#LaRentréeDesBâtisseurs Faroudja Kicher est directrice RH au sein d’un groupe du CAC 40 et co-auteure de Pas la gueule de l’emploi ?! Nassim Larfa, étudiant en Master Politiques Publiques à Sciences Po Paris est chargé d’affaires publiques au sein d’un groupe mutualiste. Tous deux impliqués dans la promotion de l’égalité des chances, ils partagent dans cette contribution leur parcours et questionnent la notion de réussite pour les élèves et étudiants issus des milieux sociaux populaires. 

Une génération sépare Faroudja Kicher directrice RH au sein d’un groupe du CAC 40 et Nassim Larfa étudiant à Sciences Po Paris. Tous deux ont emprunté des chemins différents. S’ils peuvent être qualifiés d’exemples de réussite, leur parcours semblent avoir très peu de points communs.

Dotés d’une même envie, de capacités d’apprentissage similaires et certaines compétences dans divers domaines, tous les deux se distinguent par des chemins scolaires différents. Aujourd’hui, ils s’interrogent sur ce qu’est réellement la réussite et comment elle se construit.

Une inégalité des chances toujours d’actualité malgré des avancées

La dernière enquête PISA parue en 2015 soulignait une nouvelle fois la particularité de la France, l’un des pays où le poids de l’origine sociale sur les performances des élèves reste le plus important. Le ministère de l’Éducation Nationale a d’ailleurs fait la remarque que celui-ci avait progressé de 33% sur un élève 15 ans. Dans l’enseignement supérieur, le constat est similaire : seulement un élève sur dix est enfant d’ouvrier. S’ajoute à cela un nombre de décrocheurs scolaires encore trop important, environ 100 000 chaque année, souvent issus de milieux sociaux défavorisés. Ces chiffres, bien qu’ils appellent une réponse, ne doivent pas être considérés comme une fatalité !

« Lorsque j’étais étudiante, peu d’exemples issus de la diversité existaient dans mon entourage et dans les médias. Moi, j’ai connu Sciences Po bien trop tard pour pouvoir y postuler ». Nassim Larfa a, de son côté, pu compter sur l’accompagnement d’une professeure et sur la convention Éducation Prioritaire mise en place en 2001 dans les Zones d’Éducation Prioritaire pour pouvoir bénéficier d’une meilleure information sur les orientations possibles après le baccalauréat. Le constat qu’ils partagent est qu’un parcours en université classique et en grande école ne se construit pas de la même manière. « La course à l’information ne s’arrêtait pas une fois que j’ai eu accès à la formation de juriste car la recherche de stage avait tout du parcours du combattant ! Je me réjouis qu’aujourd’hui cette recherche de stage soit mieux encadrée dans le monde universitaire ». De son côté, Nassim a mis à profit sa détermination et son statut d’étudiant de grande école pour décrocher de prestigieux stages comme celui obtenu à l’Ambassade de France des États-Unis. Quant à Faroudja, à force de jouer des coudes et d’enchaîner les expériences, l’ancienne étudiante en droit se fait une place de directrice des Ressources Humaines au sein d’un grand groupe.

« Sciences Po ? Ce n’est pas un truc pour moi, c’est trop dur ! »

Même si aujourd’hui, des écoles, des entreprises et des associations ont pris en main la question de la diversité, des obstacles restent trop importants pour parler d’égalité réelle. En effet, plusieurs associations œuvrent pour l’égalité des chances à travers par exemple des systèmes de parrainages. Nassim est Président d’Ambition Campus et Faroudja s’implique sur ces problématiques au sein de son entreprise. Faroudja et Nassim, conscients de l’importance d’avoir des modèles de réussite différents de ceux habituellement véhiculés dans les médias, n’hésitent pas à témoigner à différentes échelles.

Tous les deux s’indignent d’ailleurs face aux idées communément admises. Si Faroudja ne supporte pas d’entendre lors de phase de recrutement : « Je veux quelqu’un, mais quelqu’un d’une grande école », Nassim interdit les lycéens qu’il accompagne de dire par exemple ceci : « Sciences Po ? Ce n’est pas un truc pour moi, c’est trop dur ! »

La confiance en soi, l’intelligence émotionnelle, l’audace, des compétences qui ne s’acquièrent pas dans les cursus scolaires ni dans les grandes écoles

Malgré des parcours éloignés, tous deux se retrouvent sur une même volonté d’insuffler un vent de réussite mais une réussite avant tout personnelle qui peut s’écrire de différentes manières. Conscients que les prestigieuses écoles représentent toujours la voie royale pour accéder aux postes à fortes responsabilités, tous deux sont engagés à démontrer que d’autres voies sont possibles pour atteindre les mêmes buts. « Ce qui est important, c’est l’acquisition de compétences, comme la communication, la créativité mais surtout avant tout développer la confiance en soi, l’intelligence émotionnelle, l’audace. Or, ‘ces compétences’ ne s’acquièrent pas dans les cursus scolaires ni dans les grandes écoles, même si un effet de mimétisme reste favorable dans ces institutions. D’ailleurs, je plaide pour qu’elles soient enseignées à l’école. Aujourd’hui, ce sont ces soft skills qui font la différence lors d’un entretien de recrutement », explique Faroudja Kicher.

Nassim Larfa, lui, n’hésite pas à dire qu' »l faut mettre l’ambition au service des compétences ». L’autocensure demeure un phénomène sur-représenté dans les milieux sociaux défavorisés. Pourtant, un projet sans ambition affirmée est difficilement réalisable.

« Pour avoir une opportunité, il faut en être une pour les autres« 

Après plusieurs générations de lycéens guidés vers la réussite, Nassim Larfa est persuadé de l’importance de connaître son potentiel et d’avoir conscience de ses talents mais aussi de ses faiblesses. « Une connaissance parfaite de soi accompagnée d’une confiance en soi entraînera nécessairement des meilleurs décisions qu’elles soient scolaires ou professionnelles », juge-t-il. Faroudja attire l’attention sur l’audace à aller à la rencontre d’autrui pour savoir créer des opportunités. Une attitude nécessaire pour qui veut créer des ouvertures autour de soi et accéder aux différentes informations (opportunités scolaires, professionnelles, …). Aujourd’hui, de nombreuses structures proposent d’ailleurs des mutualisations de réseaux, « ce qui n’existait pas lorsque j’étais étudiante », regrette Faroudja. « Pour avoir une opportunité, il faut en être une pour les autres ».

Faroudja KICHER et Nassim LARFA

Crédit photo : Mohammed BENSABER

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