2005-2015 : SOUVIENS-TOI ? Les blogueurs se rappellent de leur octobre et novembre 2005.
Les émeutes de banlieue de 2005, pour moi, c’est une musique d’abord. Celle des journaux télévisés, TF1 ou France 2, selon l’humeur du jour. Le lycéen que j’étais, assis à deux mètres de la télé, chaque soir décontenancé par ces images : voitures qui flambent, projectiles divers, plaintes des riverains. Égratignant l’idée que je me faisais d’une France paisible havre de paix, richesse, travail, logement. Tout ce dont nous manquions en Algérie. Tout ce qu’avait désormais mon grand-frère parti, comme tant d’autres, vers cette France fantasmée.
Le journal fini, je rejoignais ma famille à la cuisine pour le souper. Soupe à la grimace plutôt, la fierté de mes parents, voir un de leur fils là-bas en France, avait laissé place à l’inquiétude. Comment allait-il ? Comment s’en sortait-il, avec tous ces sauvages se demandait mon père qui d’un coup justifiait l’arrivée de Le Pen au second tour de la présidentielle de 2002.
Ma mère, plus pragmatique, s’inquiétait de ne pouvoir joindre mon frère. Elle tombait, toujours sur cette messagerie vocale. Elle qui voulait juste avoir des nouvelles, juste entendre sa voix. Les journaux télévisés se succédaient toujours plus spectaculaires, reporters en gilets pare-balles, et mon frère qui ne répondait toujours pas. Angoisse, il doit s’être pris une balle, c’est sûr, affirmait mon père, clope d’après repas au bec, tu as vu l’état des rues, les policiers en casques et gilets pare-balles, ces sauvages, la France, ils ont en fait Baghdad…
Et puis au salon, d’un coup, notre vieux téléphone bleu à cadran qui résonne. On se masse autour. On le laisse sonner. Ma mère qui se décide à décrocher. C’est lui, mon frère, qui nous appelle. Tout va bien. Pas grand-chose à dire, à Aulnay-Sous-Bois (93), il n’a rien vu ou si peu… des voitures calcinées, un garage Renault incendié, ah oui, un soir en rentrant à pied de son travail dans le XIII° arrondissement, il avait dû changer de route et rallonger son parcours d’une bonne demi-heure. C’était impressionnant de voir tous ces gamins courir, hurler de partout, mais rien de bien dangereux. Sinon au niveau de ses études tout allait bien, son boulot au théâtre du treizième lui plaisait… rien à signaler. Ce soir-là, nous nous étions couchés, certes rassurés, un peu bêtes tout de même.
Ahmed Slama

Rien à signaler
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