Thierry Roland est mort. Nelson Monfort, mille fois exécuté sur les réseaux sociaux pour ses interviews aux JO 2012, a 59 ans. Qui assurera les commentaires sportifs en 2024 sur les antennes nationales? Imaginons la relève… Une femme ? On peut toujours rêver… Un Français noir d’origine malienne ? Pourquoi pas ? Après tout, on sera en 2024… Et pour la seconde hypothèse, on a un sérieux client. Non pas parce qu’il s’appelle Samba Doucouré mais parce qu’il est intarissable sur le foot et adore le sport.

Incollable, il l’est devenu grâce à des connaissances empiriques acquises rivé à sa télévision ou sur internet depuis le jour où le football a envahi sa vie et détrôné son premier grand amour, la lecture. « Tout a commencé avec mon intérêt pour le Manchester United. Ce club a accueilli tellement de légendes ! Et puis il y a eu le PSG, saison 2000-2001 avec l’arrivée d’Anelka… En fait, je suis passionné par l’histoire des clubs, par ce qui fabrique leur identité… Par exemple le Manchester United et le Real de Madrid ! Ils sont tellement différents. Manchester United est plus valeureux, plus guerrier dans son jeu. Le Real a lui un jeu plus élégant, plein de noblesse. Mais je les admire tous les deux. Le jour où il y aura une finale de Ligue des champions entre le Real et ManUnited, ce sera le plus beau jour de ma vie ! » Rien que ça…

Mais ses connaissances sont aussi universitaires. Le sujet de son mémoire de Master d’Histoire à l’Université Paris 1 s’intitulait « Nationalismes et football en Espagne sous Franco ». Du Real Madrid, Samba peut donc vous parler d’autre chose que de l’épopée de Zidane ou de Sergio Ramos, un de ses joueurs préférés avec Wayne Rooney du Manchester United : il peut analyser son histoire, situer un contexte socio-économique… Et pas que. « J’ai aussi fait beaucoup de recherches sur les joueurs hongrois dans le championnat espagnol… » OK, on a compris. A 24 ans, il est un puits de science footballistique mais n’est pas Thierry Roland qui veut… Les médias, ça le connaît au moins ? Justement, c’est son autre passion.

Stagiaire à Canal +, sélectionné par la prépa ESJ Lille-Bondy Blog, il a réussi le concours d’entrée du CFJ Paris. Débutant sa seconde année, il devrait en sortir bardé du diplôme en septembre 2013. Les médias, il a « ça » dans le sang depuis qu’il est ado. Toutes les semaines, il réalise bénévolement « Bienvenue chez oam » diffusée sur Fréquence Paris Plurielle (106.3 sur la FM ou en ligne sur internet) pour Max Lebon, un animateur radio bien connu de l’underground parisien. Chaque mardi, Samba accueille les invités, les bichonne en attendant l’arrivée de Max, gère tout le dispositif technique et s’occupe de la promotion du show sur le net et les réseaux sociaux. « J’ai proposé à Samba de m’accompagner sur « Bienvenue chez oam » pas seulement pour lui mettre le pied à l’étrier… Je savais que je pouvais lui faire confiance de A jusqu’à Z pour la réalisation de mon émission. C’est un vrai pro ! » commente Max avant d’interviewer le sujet du jour, Maboula Soumahoro, maître de conférences en civilisation du monde anglophone et qui plaisante avec Samba, déjà installé en régie. Il était tout jeune quand Max le repère dans les locaux d’un autre média alternatif, Zalea TV, attiré par cette télé comme un papillon par la lumière.

A l’époque, Samba habite encore le quartier qui l’a vu grandir, Riquet-Stalingrad, dans le 19e arrondissement de Paris. Et l’installation d’un média, même associatif, à deux pas de chez lui est une aubaine. Il ne laisse pas passer sa chance et en pousse la porte au point de devenir un habitué des lieux. Car avant Zalea TV, et à part au centre de loisirs, Samba ne sortait que très peu. « Petit, mon père m’interdisait de traîner dehors car le quartier n’avait pas bonne réputation. Après l’école, j’étais autorisé à n’aller qu’à la bibliothèque. Le rayon jeunesse de la biblio municipale Hergé n’a aucun secret pour moi ! J’ai du dévorer tous ses ouvrages… Sur le moment, j’en voulais à mon père car je me sentais brimé mais aujourd’hui, je comprends qu’il faisait ça pour me protéger. Lire et ne pas sortir a beaucoup développé mon imagination. Quand je devais éteindre la télé, j’imaginais la suite du dessin animé ou de la série et je rêvais pour m’évader là où je ne pouvais pas aller… ».

Aujourd’hui, Samba est libre de ses allers et venues. Mais alors qu’il en a désormais l’occasion, il ne quitte plus son macadam parisien. « Je vis dans la plus belle ville du monde ! Et depuis que je me déplace à Velib’, je découvre sans cesse de nouveaux endroits. Il y a tellement de choses à voir et faire à Paris…» La province ou des voyages à l’étranger ? Nulle autre partie du globe ne trouve grâce à ses yeux ! Pourtant, par deux fois, il est retourné au pays de ses parents, à Kayes au Mali où il comprend et parle la langue, le soninké. « Mais j’ai été pas mal secoué là-bas car je ne me sentais pas chez moi… Je n’étais pas à l’aise. Je suis tellement parisien. J’ai déjà du mal à me déplacer en banlieue alors ailleurs… Au Mali, même si ma famille faisait tout pour me mettre à l’aise, je me sentais comme un étranger… » Samba est de ces titis de Paname qui n’envisagent pas leur vie loin de la capitale.

Depuis le décès de son père qui était éboueur, il vit avec certaines de ses sœurs et sa mère dans un autre arrondissement, au sud de Paris, dans le quartier des Olympiades. Arrivée à l’âge de 17 ans en France, en 1987, sa maman épouse un homme 30 ans plus âgé qu’elle et va mettre au monde 7 enfants en 15 ans : 6 filles et 1 garçon, Samba, qui est l’aîné de la fratrie. Femme de chambre dans les hôtels, il la trouve, à 41 ans, déjà usée par cette vie et « ce métier de chien » mais la décrit comme « une vraie guerrière ». « Après, la mort de mon père en 2005, c’est elle qui a fini par trouver l’appart’ dans le 13ième et qui a organisé le déménagement pour qu’on puisse démarrer une nouvelle vie. » Une volonté de guerrière donc qui inspire Samba dans son parcours de jeune journaliste. Sa mère analphabète ne peut pas lire les articles qu’il écrit depuis des années pour Street press, un site d’information généraliste destiné aux 20-35ans. Mais pour la radio ou la télévision, c’est autre chose, elle peut le voir et l’écouter…

Un modèle ? Samba, le jeune homme réfléchi, finit par citer Frédéric Taddeï : « Je trouve que Taddeï ressemble à Max dans sa manière de faire… Son « Tête à tête » sur France Culture est également une émission avec un seul invité. Et « Ce soir ou jamais », ça ressemblait beaucoup à ce qu’on pouvait faire à Zalea TV ! ». Encore étudiant, le panaméen ne sait pas encore quelle direction va prendre sa route médiatique en voie de professionnalisation… Où fera-t-il carrière ? Radio, télévision, web ou presse écrite ? Il l’ignore alors il imagine encore et encore… « Je rêverais de pouvoir utiliser une structure ou une plateforme qui enverrait l’information sur le web, la radio et la télévision de façon simultanée…» Pour s’affranchir des contraintes des formats et abattre les frontières techniques…

Au moment de quitter la radio et de se séparer sur le chemin du métro surgit un…« Hep pas si vite !». Samba ne veut pas en rester là : A lui de nous passer à la question. Et il veut tout savoir… L’ interrogé se mue en interviewer redoutable qui, avec sa voix toute douce et quelques questions bien tournées, vous fait « passer à table » sans coup férir. Un vrai journaliste ce Samba Doucouré… la relève est assurée.

Sandrine Dionys

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