Les fans l’attendaient avec impatience : la sortie sur grand écran de la série culte Sex &The City. Mais pourquoi ces trentenaires et quadras célibataires portées sur le sexe attirent-elles tant en salle ? Qu’en pensent les femmes issues de l’immigration ? Se reconnaissent-elles à l’écran ? Pour le savoir, j’ai poussé mon enquête dans les salles obscures des Halles et de la place de Clichy. Et après avoir discuté avec une petite dizaine de jeunes femmes de banlieue, je m’aperçois que les préoccupations de Carrie, Samantha, Miranda, Charlotte concernent également les jeunes filles issues de l’immigration.

L’exemple de Leila, 32 ans, responsable marketing, me confirme ce goût pour la série de beaucoup de jeunes femmes d’origine maghrébine : « Oui, je regarde la série, cela me distrait énormément ! », dit-elle dans un large sourire. Certes, Sex&The City est un bon divertissement, mais cela n’explique pas qu’elle rencontre un tel engouement. Ces femmes se reconnaîtraient-elles dans les frasques des héroïnes ? Lorsque que je pose la question à Yamina, 35 ans, responsable administration des ventes, la réponse vient toute seule : « Non je ne m’identifie à aucun de ces personnages, même si je les trouve rigolotes. » Voilà pour la trentenaire branchée, CSP+. Qu’en pensent maintenant les cadettes ?

En ce qui concerne Salma, 21 ans, et ses trois copines (toutes étudiantes) la réponse est plus mitigée : « On s’identifie un peu à Charlotte car elle est très romantique et qu’elle attend de trouver l’homme parfait pour se marier. » Un peu, mais pas tellement. Mais alors que se passent-il dans la tête de ces jeunes filles quand elles regardent la série ? D’après ce qu’elles m’en ont dit, elles ne cherchent pas « de réponses à leurs propres questions existentielles » mais avant tout « à rigoler » et à se comparer à des « comportements qui peuvent paraître caricaturaux ».

Si Samantha est le personnage qui fait le plus parler, c’est surtout parce qu’elle vit le sexe sans complexe ni tabou. Il n’en demeure pas moins que les héroïnes de la série multiplient les partenaires : qu’en est-il des jeunes Maghrébines françaises ? « À la vingtaine, on peut essayer, voir tester pour apprendre. Mais pas avec n’importe qui. Après il faut construire de vraies relations », assure Yamina. Myriam, lycéenne, semble dire la même chose, malgré ses 15 ans : « On ne couche pas avec l’homme de ses rêves mais avec des personnes de confiance. » Le fait que ses parents soient divorcés explique peut-être son point de vue.

Leila quant à elle « ne [fait] pas pareil », il faut qu’il y ait « du sentiment pour faire l’amour avec une personne ». En revanche elle « respecte complètement leur choix de vie ». Salma et ses copines ont par contre un avis plus tranché : « Non surtout pas ! Le sexe est sacré et doit être réalisé après le mariage ! D’ailleurs pour nous, une fille qui couche à droite, à gauche c’est une salope ! »

Même si le comportement de Samantha n’est a priori suivi par aucune d’entre elles, il est en général bien accepté. Sauf pour nos étudiantes de 21 ans qui sont catégoriques sur la virginité. Poids des traditions ? De la religion ? De la société ? Comment voient-elles ces femmes comme Miranda, qui décident de faire un bébé seule (dans un premier temps) et sans se marier ? Oumou, 30 ans, a personnellement vécu cette situation : « Je suis tombée enceinte hors mariage. Ma réputation au sein de ma cité s’est effondrée brutalement mais ce qui a été le plus dur à assumer, c’était le regard de ma mère. » S’en est suivi un long parcours de reconstruction que n’a pas connu l’héroïne de la série : « Après d’énormes disputes, je me suis rendu compte que j’étais une bonne personne, malgré le regard négatif des personnes de mon entourage. »

Si Carrie, Charlotte et Miranda ont parfois les oreilles écorchées par les propos quelque peu salaces de Samantha, il n’en demeure pas moins qu’elles s’écoutent et peuvent se parler en toute liberté de sexualité voire, pour certaines d’entre elles, en famille. Peut-être est-ce cette grande liberté de communication qui leur permet d’assumer pleinement leur vie sexuelle et leurs excentricités. La situation de nos Magrébines était-elle différente ?

« Jusqu’à 23 ans, j’ai eu une éducation stricte, où l’on ne parlait pas de sexualité et où je n’avais pas de vie sexuelle, explique Yamina. Par la suite, en commençant à travailler, ma vie sexuelle s’est construite progressivement. » La sphère familiale et amicale fut plus ouverte pour Myriam que pour son aînée : « Le sexe n’est pas un sujet tabou, je parle de sexe avec ma mère. Avec mes copines, on ne parle que de mecs et d’école ! » Pour Salma non plus le sexe n’est pas « tabou ». Mais avec ses copines, elle ne l’aborde que pour « dire qu’il faut le faire après le mariage et expliquer comment cela se fera. Principe que l’on respecte et que l’on respectera ».

Nadia, 43 ans, assistante de direction, est d’une autre génération. Pour elle, « la sexualité était tabou dans la famille ! Adolescente, je ne m’intéressais pas aux garçons, c’est seulement à 21 ans avec la rencontre de mon premier mari. » Aujourd’hui encore et « même entre copines, on ne parle pas de sexualité. Alors que ces filles ont des peines, des chagrins et assument leur sexualité. C’est très bien qu’elles en parlent aussi librement cela décomplexe le sexe et cela nous rend un peu moins coincées ! », dit-elle avec une pointe de regret.

Ces quelques témoignages montrent que ces femmes se sentent assez éloignées du comportement des quatre New-Yorkaises. Elles s’autorisent beaucoup moins de libertés sexuelles et d’excentricités même si la plupart ont une vie sexuelle avant le mariage. En fait, ce n’est pas tant le rapport à la tradition qui les différencie des héroïnes de Sex&The City mais le poids de l’environnement social, familial, amical.

Bon, mais sinon, vos derniers rapports sexuels ? « Je n’ai pas eu de relations sexuelles depuis 13 ans, mais cela ne me manque pas !, s’exclame Nadia. J’attends de rencontrer l’homme idéal et de me marier pour avoir de nouvelles relations sexuelles. Mais cela ne me dérange pas que les autres le fassent ! » Finalement, les femmes de New-York ou de Courbevoie ne sont pas si différentes : elles cherchent avant tout l’amour. Maintenant, il va me falloir réintituler mon article « Love&The Banlieue ».

Nora Yourri

Nora Yourri

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