« Il y a trente-six manières de dire « Je t’aime ». Mais au final, il n’y a pas besoin de mots pour l’exprimer. » Tel est le thème de « BooM BooM », le premier court-métrage « muet-musical » de Steve Tran, l’auteur de cette maxime, et Sébastien Kong, inspiré de l’ancienne relation d’un Viêt avec une Algérienne. Des projections sont prévues pour avril à Paris et lors de prochains festivals.

Minh est amoureux. Devant la fille de ses rêves en plein strip-tease, il est accro à son fantasme comme un plat de spaghettis gorgés de parmesan. Face aux poses lascives de sa déesse, Minh, interprété par Steve Tran (« Neuilly sa mère » et le film à venir « Beur sur la ville »), est au bord de la rupture aortique. Elle s’approche, jouant avec son chemisier et, au moment où il s’apprête à atteindre le septième ciel, une image traumatisante le sort de sa chimère. Il reprend ses esprits dans son univers de geek édulcoré. L’appart est envahit par des gadgets inutiles.

Un Bob L’Eponge lui tient compagnie. Il s’allume une cigarette, se sert un coca devant un bol de Cheerios. A la télé, saveurs sucrées de la soul avec Monsieur Nov. Soudain, il lève les yeux vers la pendule : 18 heures. Il se rue vers la porte d’entrée. Se contorsionne à l’œil de bœuf. Jasmine… Une jolie Maghrébine (Sabrina Ouazani de « Des hommes et des dieux ») qui vit encore chez ses parents. Son cœur fait boom boom. Derrière lui, le loup de Tex Avery pousse son hurlement légendaire.

Il connaît son emploi du temps par cœur. Quand elle sort de chez elle, quand elle rentre du travail, le trajet qu’elle emprunte. Pourtant, il n’ose pas l’aborder. Surtout, il craint le père. Combats de regards, intimidations, le paternel semble vouloir lui faire la peau, à l’image de Clint Eastwood dans « Grand Torino ». « Bibi Nacéri (le père, donc) était parfait pour ce rôle, il a ce côté intimidant quand il veut, bien qu’il soit exquis dans la vie », explique Steve.

Minh est vraiment seul. Dans son appartement, il tourne en rond. Cherchant à s’occuper en vain. Et se tourne vers son poisson rouge. Lui aussi tourne en rond. Finalement, ils mènent la même vie. Minh verse de la grenadine dans le bocal, dans l’espoir de « mettre un peu de rose dans la vie de son seul compagnon ».

Une journée ensoleillée s’annonce. Comme à son habitude, Minh regarde sa belle partir au travail de son balcon. Soudain, son « joli foulard » se fait la malle. Il n’en faut pas plus à cet amoureux transit pour courir à la rescousse du bout de tissu. Et peut-être récolter une récompense… Il court comme un lapin, renversant le cadi d’un sans-abri, fonçant dans une bande de jeunes et se retrouve sur un plateau de tournage.

Rien ne l’arrêtera dans sa course folle tout droit sorti des cartoons. Arrivé à l’arrêt de bus, c’est le drame. Sa bien-aimée se fait aborder par un homme. Et notre amoureux transi se transforme en preux chevalier qui part délivrer sa princesse. A deux pas de là, Jo Soul chante un évocateur « Love is all» sur un banc. Minh fera tout pour plaire à sa jolie brune. Parfois de façon très maladroite. C’est ainsi qu’il barrera la route à un homme soupçonné d’exhibitionnisme actif, joué par Issa Doumbia. « Issa c’est une Sabrina au masculin, il illumine l’écran », sourit Steve.

« En amour il n’y a pas de notice. » Au restaurant chinois, Benjamin Siksou à la guitare illumine la soirée. Minh consulte le menu. Il lève les yeux et devant le sourire ultra-bright de la demoiselle, referme la carte sans rien dire. Cette situation, Steve l’a déjà vécue. De là, s’ensuivent les inévitables questions : « Si je mange un travers de porc devant elle, va-t-elle être écœurée ? », ou encore : « Après le resto, si ça se passe bien, va-t-elle hésiter à m’embrasser parce que j’avais du cochon dans la bouche ? Même si je me lave les dents ou que je mange un chewing-gum ? »

«L’amour est universel. Cela semble naïf, jacksonien, mais c’est une réalité », déclare le jeune talent. Pour les Bardot en puissance, pas d’inquiétude, le poisson va très bien.

Aude Duval

Articles liés