Ce midi, je mange avec Sonia. Ce n’est pas son vrai prénom. Elle a 35 ans et sort d’une sacrée galère. Elle vit actuellement dans un foyer pour femmes battues. Sa fillette a quatre ans et demi. Nous allons manger dans un Mac Do équipé d’une salle pour les enfants. La petite pourra jouer pendant que nous parlerons tranquillement. Elle est belle Sonia, avec ses cheveux dorés qui sortent de son béret. Et quelle détermination il y a derrière son sourire timide. Il lui en a fallu du courage pour arriver où elle est aujourd’hui. Voici trois semaines, elle a trouvé du travail. Elle garde les enfants d’un médecin tout en donnant des cours d’arabe au fils aîné.

Dans son pays, en Algérie, Sonia a fait des études d’interprète (arabe /français). C’est là-bas qu’elle a rencontré celui qui est devenu son mari. Un ami de son frère qui habite en France. C’était en l’an 2000. Elle fait un mariage d’amour. En mars 2001, elle est enceinte lorsqu’elle débarque dans la banlieue parisienne. Son mari vit avec ses parents dans un F3 (deux chambres et un salon). Très vite, elle se rend compte qu’elle a épousé un alcoolique. « En Algérie, il m’avait dit qu’il ne buvait qu’à certaines occasions. C’est en arrivant ici que j’ai découvert la vérité ». Sonia n’a pas de papiers et ne connaît personne. Son mari qui est chauffeur dans une entreprise commence à la dénigrer. Il lui dit qu’elle est nulle et ne sait rien faire. Après l’accouchement, la situation empire. Lorsqu’il la frappe, juste après, il lui demande des excuses. Tout cela se déroule sous les yeux des beaux-parents. Un beau jour, alors que la fillette a dix-huit mois, le mari de Sonia prend une bouteille de whisky dans la main après l’avoir frappée au visage et dans le dos. « Il avait bu depuis le matin. Il m’a dit: « Je vais te tuer! » J’ai couru m’enfermer dans notre chambre, j’ai ouvert la fenêtre et j’ai crié au secours. J’ai supplié une dame qui passait d’appeler la police. Elle est arrivée très vite ». « Si je la revois, je l’égorge, » menace son mari devant les policiers. Sonia porte plainte.

Après trois jours de garde-à-vue, son mari est relâché. Elle fuit avec deux sacs remplis d’habits pour toute richesse. Commence alors une longue galère de six mois avec un bébé d’un an et demi. Elle n’a toujours pas de papiers. « Parfois l’assistante sociale arrivait à nous débloquer une somme pour 15 jours à l’hôtel ». La fin du mois, elle la passe dehors la journée et la nuit dans un foyer. On est au mois de décembre. Elle se réchauffe où elle peut, dans un Mac Do, dans les magasins, dans les hôpitaux. Après six mois, elle trouve une structure d’hébergement, change six ou sept fois d’endroit. Elle se souviendra longtemps de ces déménagements successifs, ses baluchons dans la poussette, la petite à ses côtés. « Je lui disais: « Courage, courage on arrive bientôt… »

Pour régulariser sa situation, Sonia n’hésite pas à demander un rendez-vous avec une députée. Au bout de trois mois, à force de relancer sa demande, elle est reçue et obtient des papiers. Elle peut enfin travailler: « Le travail est la clé pour résoudre tous les problèmes ». Elle se lance alors dans une formation en bureautique. Aujourd’hui, elle voit le bout du tunnel et espère obtenir bientôt un appartement relais (ils dépendent du foyer des femmes battues). « Je me sens libre, autonome et indépendante. En dépit de tous les échecs, je n’ai pas baissé les bras ». Ce qui la fait lutter ainsi? « Ma fille. Je veux m’en sortir pour lui garantir un bel avenir. Son prochain objectif? « Décrocher un travail dans le domaine des migrants comme interprète et être écrivain public pour aider les gens qui vivent des situations difficiles ».

Par Sabine Pirolt

Sabine Pirolt

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