« On nous a toujours dit que le spermatozoïde allait vers l’ovule, on a jamais pensé que l’ovule pouvait attirer le spermatozoïde » déclare Chloé, en master recherche d’histoire médiévale. Le pouvoir d’initiative serait donc un privilège masculin. C’est pourtant Julie, en master recherche de sociologie et Maryam, militante communiste libertaire à la CNT et étudiante en sciences politiques qui sont à l’origine de cette soirée inaugurale du comité féministe de Nanterre. Cette réunion a tout de même rassemblé un auditoire mixte d’une vingtaine de personnes ce jeudi à 18h dans un amphithéâtre glacial.

Ce projet part d’un constat fait en discutant avec des femmes et notamment des étudiantes Nanterriennes : ces dernières sont victimes de machisme, parfois même dans le cadre de l’université. « On a eu des échos de plusieurs étudiantes qui nous ont confié des expériences de sexisme, notamment dans certains cours où il y a beaucoup de filles », raconte Julie. Le harcèlement de rue est aussi un délit ordinaire. Ainsi, il part de la volonté de poser la question du féminisme dans les rapports de domination. Engagée, militante autonome, elle déclare : « ce n’est pas que lié à notre engagement. À titre personnel, ça l’est forcément, mais notre objectif, c’est discuter ensemble et par l’expérience collective prendre conscience de certaines choses ça fait partie des valeurs que j’ai envie de défendre ».

Dépasser le milieu étudiant et réunir différentes classes sociales

La réunion commence par la projection du film diffusé sur Arte « pourquoi les femmes sont elles plus petites que les hommes » qui remet en cause l’explication biologique de cette différence physiologique. « On a choisi ce film justement parce que ce n’est pas un truc militant féministe ». Le documentaire permet de lancer le débat, mais devant une assemblée globalement convaincue, il se recentre vite sur les objectifs et moyens à mettre en œuvre pour le collectif. « L’idée, ce serait d’élargir. Faire en sorte que les travailleurs de l’université puissent venir, que ça ne devienne pas un truc d’étudiants intellos » déclare Maryam.

Julie ajoute : « On veut dépasser le milieu étudiant et réunir différentes classes sociales. Au final on veut lutter contre la domination en général et plus particulièrement cette forme de domination qu’est le machisme ». Elles ont déjà prévu de faire une projection dans un centre social de la ville, où elles ont senti une réelle demande de la part des femmes. Ces dernières ont cependant quelques craintes face à un collectif féministe, « celles qui ont le voile ont peur d’être exclues ». D’autres craignent que les hommes soient écartés. « L’objectif est aussi de casser certains clichés sur le féminisme qui est parfois vu comme un truc sectaire ».

« On ne veut pas faire de misandrie » affirme Maryam avant d’être complétée par Julie « l’émancipation féminine ne peut pas se faire sans émancipation masculine ». Malgré tout, le comité a vocation à organiser des moments de non-mixité, exclusivement féminins. « On ne se rend compte de la nécessité de la non-mixité que par l’expérience ». Julie ajoute « une fois, on été amenées à discuter, juste entre meufs des pressions sexistes et ça nous a fait réfléchir sur le fait de s’organiser aussi entre femmes ».

Le collectif se pense comme un outil de réflexion, mais également de lutte. « On pourra être amenées à régler des problèmes concrets subits par des femmes sur l’université ». À plus long terme, le comité porte le projet d’intervenir dans les écoles de la ville pour parler des clichés filles/garçons. Elles pensent également organiser des cours d’autodéfense, ainsi que des débats autour de diverses thématiques liées aux rapports hommes/femmes. « On aimerait aussi produire des choses, écrire des papiers et communiquer sur ces questions ». Mais l’objectif premier reste de déconstruire et prendre conscience collectivement des inégalités conscientes ou non dans les rapports sociaux entre les hommes et les femmes.

Parmi les nombreuses organisations politiques présentes sur une université chargée d’histoire en termes de mouvements sociaux, Maryam souligne « un espace vacant » sur cette thématique. Interrogée sur l’absence de représentants de ces organisations qui pour la plupart déclarent lutter contre le sexisme, elle répond « On a mis suffisamment d’affiches pour qu’ils soient au courant, ce n’est pas à nous de les inviter » et ajoute « ça ne suffit pas de signer une charte du féminisme ». Julie souligne également sur le fait que le comité n’est pas lié à une organisation. « On veut insister sur ce qui nous rassemble ».

« On n’a pas envie de personnaliser le collectif, ni de décider de façon autoritaire » déclarent-elles enfin, unanimement. Le thème du débat de la prochaine réunion est donc choisi sur proposition d’un participant. Ce sera la question de la mixité, déjà soulevée qui sera approfondie. Rendez-vous est pris pour mercredi prochain.

Mathieu Blard

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