Du sport citoyen. C’est tout ce dont rêve Jean-Philippe Acensi, délégué général de l’APELS (Agence pour l’éducation par le sport), qui a remis hier son rapport au Sénat. Selon lui, il est urgent de remettre en question la place du sport dans la société, et particulièrement dans les quartiers populaires : « Le sport seul ne peut pas être vecteur d’insertion sociale. Soyons pragmatiques : il faut l’accompagner d’un engagement citoyen. »

Depuis 1996, son agence soutient plus de 2000 projets « socio-sportifs » par le biais de sa filiale « Fais-nous rêver ». Depuis quinze ans, il travaille aux côtés de ces clubs et associations sportives implantés dans des zones urbaines sensibles (ZUS). Au-delà de la performance des joueurs, ces clubs agissent en faveur de l’intégration sociale de jeunes en difficulté.

Mais aujourd’hui, Acensi tire la sonnette d’alarme : « Nous voulons alerter les collectivités locales et les politiques publiques de l’inefficacité sociale de certains clubs et des difficultés que rencontrent ceux qui, au contraire, s’engagent avant tout à améliorer le quotidien des habitants du quartier. » Ce sont ces failles que le rapport dénonce. Triste constat de cette étude menée sur trois ans (de 2007 à 2010) avec une équipe de chercheurs immergés au sein de vingt-quatre clubs sportifs de ZUS qui s’engagent dans la vie citoyenne de leur quartier.

« Beaucoup de clubs sportifs ont du mal à prendre de la distance par rapport à la performance sportive », constate Acensi. Les dirigeants et les entraîneurs de ces clubs dits « traditionnels » ne sont là que pour le goût du sport et restent totalement indifférents à la vie du quartier. « En dehors des entraînements, moi, c’est simple, je n’y mets pas les pieds, je ne m’y intéresse pas », témoigne un entraîneur de football cité dans le rapport. « On n’est pas là pour faire du social, on est là pour faire du sport », raconte un dirigeant. On est loin du mythe du club de banlieue qui aide les jeunes en difficulté à s’en sortir.

Ces clubs hyper sélectifs ne sont pas les seuls à exclure un peu plus les jeunes des quartiers défavorisés déjà en difficulté. Le rapport pointe également du doigt ceux qui recrutent en majorité des jeunes qui ne vivent pas dans le quartier. Comme le club d’athlétisme de Montbéliard-Belfort, dont seulement 5% des adhérents viennent de la périphérie.

Mais les clubs ne sont pas les seuls « coupables ». Alors que le ministère de la Ville dépense 14,6 millions d’euros, depuis 2008 (année de lancement du projet « Espoir Banlieues »), dans des projets sportifs en ZUS, les collectivités locales sont, elles aussi, mises en cause. « Elles sont beaucoup plus enclines à soutenir un club lorsqu’il est compétitif, explique Jean-Philippe Acensi. En revanche, dès qu’il s’agit d’un club à vocation uniquement solidaire, elles ont des scrupules. » Le club de foot de Calais Beau-Marais, par exemple, qui n’accueille que des jeunes en difficulté, reçoit très peu d’aides publiques.

Or, l’impulsion des collectivités locales est essentielle pour les clubs dits « innovants », ceux qui privilégient l’engagement citoyen au sport. Et pas seulement sur le plan financier. Car, sur le terrain, le mythe du sport fédérateur n’existe pas sans un dispositif concret. Les jeunes des quartiers populaires sont des jeunes comme les autres, et ont donc d’autres préoccupations que l’engagement citoyen. Quant aux bénévoles, ils ont parfois autre chose à faire et manquent souvent à l’appel.

Pour alerter les collectivités locales, l’Agence lance un « Appel à un pacte civique du sport ». Elle leur propose de signer un accord avec les acteurs du milieu sportif pour définir les priorités éducatives et citoyennes des ZUS. « Ce serait une sorte de nouveau contrat social », conclut le rapport.

Marie-Pia Rieublanc (élève de première année du Centre de formation des journalistes)

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