C’est officiel, je fais partie des « minorités ». Vous savez, il y a ces minorités institutionnelles, comme les Aborigènes d’Australie. Moi, je fais partie d’une minorité officieuse, celle des buveurs de Coca-Cola dans les soirées étudiantes. Tels ces peuples autochtones en voie de disparition, les gens qui ne boivent pas d’alcool se font de plus en plus rares.

Alors oui, quand dans une soirée où l’alcool coule à flot, je me cantonne à un verre de boisson gazeuse. Je suis out. Tout le monde a son verre de whisky coca, de vodka Red Bull, ou de Malibu orange. Je bois, ô honte à moi, une boisson non alcoolisée. Ce qui est étonnant, ce sont les remarques – quand vous avez la chance que l’on vous en fasse, puisque, avouons-le, avec un verre d’alcool à la main, vos chances d’entamer une conversation sont beaucoup plus grandes. « Ah, t’es pratiquante ? – Euh, je fais de la danse oui. – Non, mais tu ne bois pas d’alcool ? – Ah non, je n’aime pas ça. – T’es pas musulmane ? – Non, non. – Ah, ok, cool. » Fin de la discussion. « Cool », pas si sûr. Aujourd’hui, ne pas consommer d’alcool c’est être tout sauf « cool ». Au choix, on est has been, coincé, ou musulman.

J’ai cru dur comme fer à un slogan bien connu : « sans alcool, la fête est plus folle ». Ni obligation parentale, ni contrainte religieuse, si je ne bois pas c’est par conviction personnelle. Alors forcément, à l’heure des happy hours et du binge drinking, je fais figure d’ovni. L’alcool, c’est un peu comme avec le café. Etrangement, je me surprends à avoir honte d’avouer que je prends un lait chocolaté au réveil et pas un café noir. Hormis son icône George Clooney, entre hypertension, trouble du sommeil et encrassage des dents, le café n’a rien de très sain à m’apporter, pourtant, personne ne me contredira, prendre un Nespresso au p’tit dej’, c’est plus classe que d’engloutir un bol de Nesquick. Ah… les mœurs !

Avant de subir une exclusion sociale définitive, ou une extinction irréversible, la résistance est de mise. Faisons campagne face au diktat des buveurs super branchés. Un de ces soirs d’hiver, j’ai milité. Alors que j’atteignais les 30 degrés (Celsius) en me déhanchant sur la piste, une amie un peu trop éméchée pour se lever et danser, m’a attrapée par le bras et a fait éclater sa joie : « Wawww ! Tu danses comme une folle, t’es enfin bourrée comme moi ! » Je lui ai délicatement murmuré : « Non, moi, je m’amuse… »

Joanna Yakin

Paru le 10 janvier 2010

Joanna Yakin

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