En pleine crise des banlieues, l’UMP a avancé l’existence d’un lien entre casseurs et enfants de familles polygames ; des enfants livrés à eux-mêmes et devenus « racailles » faute d’autorité parentale trop dissoute.

Alors violence urbaine et portrait familial digne d’un « treize à la douzaine » moderne ont-ils quelques liens de parenté?

A Bondy, je me suis renseignée, des familles polygames sont bien présentes, d’origine malienne pour la plupart. Bien que proscrite en théorie dans le droit français, la polygamie, dans les faits, est tolérée de manière indirecte au travers de la politique de regroupement familial.

Afin d’obtenir plus de détails, j’ai rencontré Lydie, une camerounaise membre du Collectif des Africains à Bondy. Pour cette assistante sociale, mère de famille (un mari et six enfants), la polygamie n’est pas forcément une mauvaise chose. Le problème est que ce mode de vie coutumier n’est pas compatible avec la France, ses infrastructures et ses services: « Dans le pays d’origine, comme au Mali, la polygamie est parfaitement adaptée au mode de vie. Les gens vivent dehors, il a y suffisamment de place, d’espace. C’est aussi une réponse culturelle au taux de mortalité infantile élevé dont souffre l’Afrique en général. En France, par contre, je pense que la polygamie est matériellement impossible ».

Pour Lydie, avoir comme elle six enfants c’est déjà de l’inconscience. Surtout qu’à Bondy, les familles nombreuses se marient mal avec les problèmes de logement. Les appartements les plus grands sont classés « F7 », soit cinq chambres à coucher. C’est dire qu’à partir de 7-8 enfants l’espace se fait déjà plus exiguë. Que faire alors quand on atteint la douzaine de marmots, préados et ados ?

En général, la cohabitation au niveau humain se passe plutôt bien ; les familles et en particulier les épouses sont soudées. « Ces femmes, elles ont grandi dans la polygamie. Elle accepte très bien ce système. Ce n’est qu’une fois arrivées en France qu’on vient leur dire que c’est pas bien ».  Non, le problème, d’après Lydie, se situe plutôt au niveau du manque d’espace et du rapport à l’argent.

Certaines familles vivent dans des conditions d’hygiène plus que discutables et, au niveau financier, c’est toujours le père qui touche les aides. « Il les reverse bien à la famille, mais celle restée au village ! »

Les allocations de rentrée scolaire, par exemple, équivalent à environ 250 euros par enfants. Mais les enfants touchent rarement cet argent qui, très souvent, part directement en Afrique. « Certaines familles préfèrent crever de faim ici plutôt que de montrer à leur village d’origine qu’elles n’ont pas réussi ». Et pour cause : Quinze à vingt personnes restées là-bas comptent sur une seule personne venue en France pour les entretenir. « La majorité des familles africaines projettent de retourner au pays. La France n’est qu’une parenthèse histoire de s’assurer un avenir meilleur en Afrique. Il faut ensuite pouvoir rentrer la tête haute ».

Comment faire, alors, pour que les enfants de familles nombreuses, souvent en situation précaire, puissent jouir de l’aide distribuée par l’Etat français ? « Il est difficile pour les travailleurs sociaux comme moi de contrôler l’utilisation des allocations, m’explique Lydie. Un jour mon association a offert une machine à laver à une mère qui attendait son huitième enfant. Peu de temps après, on a retrouvé cette femme, au neuvième mois de sa grossesse, faisant sa lessive à la laverie publique : la machine offerte était déjà en route pour l’Afrique. Que voulez-vous faire ? Offrir des bons pour des fournitures scolaires au lieu de donner de l’argent directement ? Cela ne sert à rien, ils les revendront ! »

Personnellement, j’aurais beaucoup aimé rencontrer une de ces familles polygames. Malheureusement aucune n’était disponible durant mon court séjour bondynois… Mais l’appel est lancé pour la suite du blog et pour les nouveaux bloggers !

Rédigé par Karin Suini

Karin Suini

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