[TRIBUNE] La Cour d’appel de Paris a confirmé la condamnation d’Eric Zemmour pour provocation à la haine envers les musulmans pour des propos tenus en 2014 dans le journal italien Corriere della Sera. Hosni Maati, avocat de l’association « Les Indivisibles », partie civile dans cette affaire, lui adresse cette lettre.

La Cour d’appel a parlé au nom du peuple français et confirmé qu’Eric Zemmour incite à la haine envers les musulmans. Ce même peuple qu’il dit représenter mieux que quiconque. La Cour d’appel a dit tout haut ce que le droit français dit tout aussi fort et confirmé à quel point ses propos, eux, sont bas.

A en croire ses déclarations intempestives et réitérées sur les femmes, les homosexuels, les associations anti-racistes, les Noirs, les Arabes, les Roms et les musulmans, j’imagine que mon frère Eric Zemmour me pense ironique quand je l’appelle ainsi. Et pourtant, je suis parfaitement sincère. Nous sommes frères car nous avons au moins la France en partage. Pas seulement les papiers, mais aussi les livres, les lettres et les poètes. Pas seulement le code pénal, mais aussi l’histoire et les philosophes. Si comme le disait Ernest Renan « l’homme n’est esclave ni de sa race, ni de sa langue ni de sa religion, ni du cours des fleuves, ni du cours des montagnes », il précisait néanmoins qu« une grande agrégation d’hommes saine d’esprit et chaude de coeur, crée une conscience morale qui s’appelle une nation ».

Mais comme dans toute famille nous avons un différend à régler. En effet, mon frère a décidé à la place de millions de concitoyens qu’il savait mieux qu’eux ce qu’ils pensent. Selon mon frère donc, avec les musulmans, nous aurions affaire à des colonisateurs, des envahisseurs et des admirateurs de l’horreur, des dissimulateurs et terroristes en puissance. Des personnes qui auraient la haine et qui attendraient seulement le bon moment pour prendre une revanche, qui rejettent le code civil et ne jurent que par le Coran….

La particularité de cette affaire qui vous vaut, Eric Zemmour, aujourd’hui, d’être condamné en appel pour incitation à la haine, est qu’en plus de l’association « Les Indivisibles » que j’ai défendu, d’autres associations notamment laïques, juives et musulmanes se sont également mobilisées. Pour elles, comme pour les musulmans, la décision de la Cour d’appel suffit amplement à leur plaisir.

A ce propos, permettez-moi de rappeler les mots du grand Benjamin Constant : « Les liens particuliers fortifient le lien général, au lieu de l’affaiblir. Dans la gradation des sentiments et des idées, on tient d’abord à sa famille, puis à sa cité, puis à sa province, puis à l’Etat. Brisez les intermédiaires, vous n’aurez pas raccourci la chaîne, vous l’aurez détruite. Personnifiez la patrie sous tous les points, dans vos institutions locales, comme autant de miroirs fidèles (……) ».

Je ne vous ferai pas le cadeau d’alimenter votre haine. Je suis en paix, je veux faire société mais, évidemment, pas au détriment de ma dignité. La décision rendue par la Cour d’appel de Paris vient nous rappeler, à tous, la nécessité de préserver la démocratie même contre ceux qui s’imaginent en être les meilleurs garants, surtout en ces temps socialement compliqués, minés par des attaques terroristes.

La Cour d’appel n’a pas rendu une décision pour faire plaisir aux musulmans mais pour sanctionner des propos incitant à la haine contre eux et c’est tant mieux car telle est sa mission. Pourtant, il est à craindre qu’il se trouvera encore des personnes pour donner l’occasion à un récidiviste de s’exprimer de nouveau avec les risques que l’on sait. Maintenant, vous ne pouvez décemment plus dire « nous ne savions pas » ! Tant que nous y veillerons, ceux qui font le jeu de la division sont condamnés à l’échec et la République restera malgré tout une et indivisible.

Hosni MAATI

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