[LES BÂTISSEURS] Suite de notre série sur ces visages qui font Aulnay-sous-Bois. Le Bondy Blog a rencontré Brahim Lamouri, médiateur depuis huit ans et figure du club de danse hip-hop du Galion, où il encadre les jeunes dans leur passion mais pas que… Portrait.

Brahim Lamouri fait partie de ceux qui ont pas mal bourlingué avant de trouver leur voie. Passé par un CAP métallurgie pendant deux ans, avant d’être ouvrier en bâtiment, il est ensuite devenu livreur, agent de sécurité, manutentionnaire à Roissy… Autant d’expériences qui l’ont fait grandir et lui ont prouvé, s’il le fallait, l’importance du travail. Mais c’est grâce à sa mission de médiateur, poste qu’il occupe depuis près de huit ans à la salle de danse du Galion, au cœur de la cité des 3 000 d’Aulnay-sous-Bois, qu’il a définitivement « gagné en maturité ».

Âgé de 28 ans, il tente aujourd’hui de transmettre ses valeurs du travail et du partage aux plus jeunes. « Je suis passé par là avant eux. Mon objectif, c’est de les mettre sur le droit chemin et leur enseigner l’importance d’avoir un travail honnête, raconte-t-il. L’autre jour, j’ai dit à un petit « Allez, bouge tes fesses et va bosser ». Le mec a suivi mes conseils. Il est revenu, m’a serré dans ses bras et m’a dit « grâce à toi, j’ai décroché un CDI dans un centre de tri à Aulnay. (…) Ce n’est peut-être qu’une seule personne mais le message est passé, le dialogue a porté ses fruits. C’est l’essentiel ».

Le club du Galion, haut lieu du hip-hop dans le 93

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Session Modern Jazz dans la salle de danse du Galion, Aulnay-sous-Bois.

Plantée entre les tours environnantes un peu vieillissantes, la galerie marchande du Galion s’est petit à petit vidée d’une grande partie de ses commerces de proximité qui participaient à la vie de la cité de la Rose-des-Vents. Aujourd’hui, la moité des immeubles d’habitation sont inoccupés. Les passages de la galerie, où règne une odeur de pisse, sont fantômes. Reste le club de danse hip-hop pour insuffler un peu de vie au quartier. À quelques mètres de là, une brigade de policiers est postée à l’angle.

Des gamins s’arrêtent, saluent Brahim et repartent. Aux 3 000, tout le monde le connaît, Brahim Lamouri. Il est lui-même originaire de la cité. « Si on n’habite pas aux 3 000, y travailler tous les jours, ça peut être compliqué, reconnaît-il. Ici, les jeunes nous connaissent, on les respecte, ils nous respectent et ça se passe bien. On est quand même dans un quartier sensible ». Installé sur le gros canapé marron, il accueille et renseigne les visiteurs. L’instru d’un très bon son oldschool s’échappe de la salle du fond. C’est session Modern Jazz pour un petit groupe de jeunes.

Le centre de danse, qui accueille à peu près 500 élèves, est devenu un haut lieu du hip-hop en Seine-Saint-Denis. À 28 euros l’abonnement annuel pour les enfants, « on doit être le club le moins cher de France ! plaisante Brahim. On est dans un quartier où les gens n’ont pas forcément beaucoup de moyens ». Le centre aide les danseurs à former leur propre compagnie ou à devenir chorégraphe. Des grands noms viennent y donner des cours, comme Ness (Nelson Epangue) ou encore Emmanule Oponga, triple champion du monde de hip-hop. Depuis 1997, le Galion organise le H²O, un festival de danse hip-hop devenu désormais incontournable.

« À un moment, il fallait que ça pète »

Ici, c’est un esprit de famille qui règne, celui où l’on protège, celui où l’on fait tout pour être présent malgré tout. « Certains cours se terminent après 21h. Je sors tout le temps avec les jeunes pour voir s’ils prennent bien leur bus, si on vient les chercher, assure Brahim. On ne les laisse pas sortir comme ça, on ne les laisse pas à l’abandon, on essaye de tout faire pour les suivre ». La médiation ne s’arrête donc pas après les portes du centre de danse. « Ce que j’aime dans mon métier, c’est le côté social, de sentir que je peux contribuer à aider les gens avec mes moyens ». Derrière lui, des dessins d’enfants et des messages d’amour qui lui sont adressés sont accrochés sur le mur. Parmi eux, un « je t’aime Brahim ». L’identité de l’auteur n’est pas encore connue à ce jour !

Depuis le viol de Théodore par un policier de la BST d’Aulnay-sous-Bois, Brahim essaye d’expliquer aux jeunes que « ça ne sert à rien de casser, de brûler (…) même s'[ils]pensent qu’il faut passer par là », précise-t-il. « À un moment, il fallait que ça pète ». Il comprend la colère et regrette que le dialogue entre jeunes et policiers se soit à ce point détérioré. « On essaye de faire en sorte d’être écouté, le fait que ça pète dans le quartier, ça ouvre les yeux sur la cité ». Selon lui, si les jeunes expriment leur ras-le-bol, c’est à cause des nombreuses dérives des forces de l’ordre. « Les policiers sont tout de suite dans la violence. Ça n’est pas comme ça que l’on pourra avancer. Certains policiers abusent un peu trop de leurs droits. C’est important la police, s’il n’y avait pas de policiers ça serait l’anarchie ici mais qu’ils fassent d’abord leur boulot correctement ».

La disparition prochaine du centre de danse du Galion ?

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Le centre de danse du Galion, dans la cité de la Rose-des-Vents, à Aulnay-sous-Bois.

Comme le reste des structures du Galion, l’avenir du centre de danse reste incertain. « La salle doit être détruite« , assure Brahim Lamouri. Il s’inquiète de l’impact d’une telle fermeture sur les jeunes. Alors que le nombre d’adhérents du centre de danse du Galion stagne depuis plus de 5 ans, les subventions de la mairie ont, elles, beaucoup diminué.

La barre du Galion est vouée à la démolition, mais personne ne sait quand les travaux vont commencer. D’ailleurs, les travaux verront-ils réellement le jour ? Les avis sont partagés dans la cité des 3 000. La menace plane depuis quatre ans sans que rien ne se passe. A la mairie, c’est silence radio sur l’avenir du centre. « Aucun commentaire à faire sur ce dossier », nous répond-on. « Les petits, s’ils ne trouvent pas les moyens de se dépenser, de danser, il ne faut pas se plaindre s’ils vont faire des conneries demain », argue Brahim. On est là depuis 22 ans, on a accueilli les plus grands danseurs. Si on ferme, que vont faire nos jeunes ? », s’interroge-t-il, persuadé que le centre de danse est indispensable à la vie du quartier. Au vu de ce que l’on a observé, on le croit bien volontiers.

Kozi PASTAKIA

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