Les résultats des législatives apportent un peu de répit. Les Français n’ont pas donné de majorité au RN, un parti antisémite et xénophobe. Nous nous sommes mobilisés pour sauver la République avec un taux de participation inégalé. Espérons que les politiques seront à la hauteur de leur responsabilité historique. Ce qui a été fait par le NFP en moins de trois semaines devrait pousser les journalistes et les observateurs à changer de grille de lecture pour la suite.

C’est la fin d’une culture politique. Celle de l’homme providentiel, de son barda constitutionnel et de ses arrangements de palais. Les français veulent tourner la page. Place à la nouvelle génération, pour plus d’horizontalité, de collectif, de recherche de consensus, de compromis, à l’image de ce qui existe dans plusieurs démocraties modernes en Europe.

C’est aussi la défaite des spaghettis médiatiques sauce Bollo transformés en panneaux électoraux au nez et à la barbe de l’Arcom dont le pronostic vital est engagé. En réalité, la classe politique épuise le pays. Par leur choix, les électeurs l’ont fait savoir après trois semaines de violences verbales et de racisme décomplexé. Faudrait pas que les manœuvres politiciennes, les habitudes souterraines et la poussière des arrières boutiques anéantissent l’espérance et l’atmosphère euphorique de ce 7 juillet. Dilapider l’espoir revient à jeter une nouvelle grenade dégoupillée. Attention au retour du boomerang.

Nous allons donc vivre des jours moins difficiles, mais pas forcément de tout repos. Nos enfants feront moins de cauchemars. Malgré tout, le virus de la haine a été inoculé dans toutes les catégories de la société française. Le socle républicain sur lequel était construit le pays a tenu bon… jusqu’à la prochaine tempête. Les historiens auront à leur disposition suffisamment de documents et de références pour analyser cette campagne de tous les dangers.

À commencer par la médiocrité de la classe politique devant une telle situation, égocentrique et sans boussole, hantée par la culpabilité de la Shoah, fascinée par les plateaux TV et le spectacle de la surenchère verbale, les yeux fermés sur les enjeux stratégiques de l’époque. La rapidité avec laquelle le renoncement aux valeurs républicaines a été opéré est ahurissant. En moins de 15 jours, les positions des uns et des autres se sont clarifiées et inscrites sur deux colonnes : l’honneur et le déshonneur. La vérité a éclaté au grand jour, les idées d’extrême-droite pouvaient être solubles dans la France de 2024 sans trop de problèmes. Mais nul n’est dupe. Derrière ce grand carnaval, il s’agissait de poursuivre le travail de sape sur les arabes et les noirs, présentés comme les principales causes de tous les problèmes sociaux et culturels et les instigateurs du renouveau de l’antisémitisme.

Le message que le racisme serait le tombeau de la République est bien passé

Pourtant, ils ne sont pour rien dans la collaboration du régime de Vichy, ni dans la disparition du tissu industriel français. Pourquoi doivent-ils en payer le prix au nom de la culpabilité historique, du chômage ou de la peur du déclassement ? Fort heureusement, le peuple est souverain. Il a voté librement en toute connaissance de cause. Dont acte. Le message que le racisme serait le tombeau de la République est bien passé.

Et maintenant ? Un troisième tour commence. Former un gouvernement inédit en faisant rentrer des cercles dans des carrés. Le défi semble impossible pour un pays qui n’a pas fait le deuil d’un système monarchique, qui confond autorité et autoritarisme. La société civile, exsangue et lessivée après sept ans de macronisme, devra se requinquer aussi quelle que soit la nouvelle configuration politique. Le conservatisme n’est pas toujours là où on croit, les purges de LFI en sont un exemple glaçant.

Beaucoup de Français résisteront et n’accepteront pas d’être les dindons d’une nouvelle farce politicienne. Sauront-ils s’organiser pour inverser la tendance et faire échec aux fausses promesses ? C’est toute la question. Les quartiers populaires se sont mobilisés, de nouveaux visages ont émergé. Je regarde ces nouvelles dynamiques avec admiration. Je suis un des leurs, c’est mon histoire familiale. Nous avons toujours été les premières cibles des politiques d’exclusion, de gauche comme de droite. Je suis résolument d’une gauche ouvrière, je pense que la destruction du tissu industriel français, la fin de la conscience de classe, l’inégale redistribution des richesses et l’abandon des classes populaires par Solférino a déplacé le vote ouvrier vers l’extrême droite.

Il y aura forcément un après 7 juillet qui doit renouveler les pratiques politiques et le traitement médiatique du débat public

Il y aura forcément un après 7 juillet qui doit renouveler les pratiques politiques et le traitement médiatique du débat public, avant la prochaine échéance de 2027 et l’annonce de son scénario apocalyptique. La télévision aussi doit profondément s’interroger sur son rôle et ses responsabilités dans la diffusion des peurs irrationnelles. Voilà trois longues semaines que des journalistes de médias indépendants ferraillent pour révéler les impostures du projet du RN au moment où les rédactions TV parisiennes mettent en scène des parodies de journalisme, illustrées par des sondages farfelus et anxiogènes.

Ce matin, je médite cette citation de Jim Morrison « Sois toujours comme la mer qui se brisant contre les rochers, trouve encore la force de recommencer ». Oui, nous allons vivre une aube nouvelle où refleurira l’espoir collectif d’un monde à reconstruire. Cela va engendrer des évolutions et des remises à plat parce que c’est un marathon qui nous attend. Il faudra garder le verbe haut, faire face aux coups, tomber et se relever, interroger chaque projet, chaque décision, pour assurer le service après-vente de cette folle séquence.

Il suffit de se souvenir des déclarations humiliantes et xénophobes de Bardella pour comprendre à quoi nous étions promis. Nous sommes nombreux à être soulagés et lucides ce 08 juillet. L’euphorie des soirées électorales suivies des douches froides, on connaît. Nous prenons sur nous le déni des perdants, les fausses promesses des gagnants et le brouhaha du commentariat. Mais nous sommes là, toujours éveillés et déterminés, sans virer acariâtres et impuissants devant les tenants des postures binaires. Vive la France !

Nordine Nabili

Photo : Grégoire Campione

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