A 14h la place de la République est déjà bondée. Des drapeaux CGT sont dressés de partout, des ballons haut en couleur indiquent le département de chaque délégation, ainsi que le nom du syndicat : UNL (Union Nationale Lycéenne), Unef (syndicat étudiant), Solidaires, et bien d’autres. Mais ce qui se dégage le plus de cette place c’est la diversité des revendications. Chacun étant là, certes, contre les mesures d’austérité du gouvernement mais aussi surtout pour défendre ses droits. Droit à un salaire décent, à un pouvoir d’achat plus  élevé, à une meilleure répartition des richesses, à l’éducation, à une retraite correcte mais aussi à être en situation régulière selon les slogans.  Ils sont fonctionnaires, salariés du privé, étudiants ou retraités à s’être déplacés, j’ai rencontré quelques uns d’entres eux qui m’ont fait part de leur motivation et revendications.

Dominique, la soixantaine, assistante sociale dans un collège à Saint-Ouen (93), est venue manifester pour dire « non à la dette ». Elle refuse l’austérité qu’elle considère déjà présente puisqu’il n’y a « ni augmentation de salaire, ni augmentation des retraites ». Elle dénonce les nombreuses suppressions de postes qui ne permettent pas de faire correctement son travail. « Les banquiers, c’est pas eux qui vont faire la loi » ajoute-t-elle. Dans l’établissement où elle travaille, elle se voit confrontée «à la misère, à l’échec scolaire, au découragement, à la violence, à la galère » Autant d’énumération qui l’insupportent car elle n’a pas les moyens d’aider les élèves et de répondre aux attentes des parents.

Elle évoque aussi les difficultés des ses collègues enseignants en classe. Mais aussi son travail en tant qu’assistante sociale dont elle dit « qu’il n’y a plus de social ». Elle se sent en effet dépourvue de moyens car il n’y a plus d’aide de l’Etat contrairement à ce qui se faisait trente ans auparavant. Elle pointe aussi du doigt toutes les démarches administratives lourdes pour obtenir un minimum d’aide de 100 ou 200 €, alors « qu’il y a des personnes qui sont dans la rue, des gens qui n’arrivent pas à avoir de logement, des ruptures alimentaires, c’est vraiment une galère épouvantable. Un accès au droit qui s’est complètement restreint pour obtenir la sécurité sociale(…), c’est une galère, les gens doivent attendre à 5h du matin au guichet de la CAF. On sent que tous les services dysfonctionnent, aucun service ne fonctionne correctement, ce qui fait que les plus fragiles en pâtissent encore plus que ceux qui ont un emploi et des revenus stables. J’ai choisi ce métier pour aider efficacement les gens et aujourd’hui ce n’est pas le cas», continue-t-elle.

Pour elle, les choix du gouvernement sont faits pour « renflouer les voyous des banques et absolument pas pour aider les populations. C’est comme les Grecs, comme les Espagnols». Quand j’évoque la taxe sur les riches de 3 %, elle répond que «le gouvernement est au service des riches. Sarkozy c’est juste leur secrétaire, c’est le secrétaire du MEDEF, d’ailleurs son frère est membre du MEDEF. Et puis toute leur clique, ce sont de purs voyous. Quand on nous parle des jeunes de banlieues qui sont réunis dans les halls, quinze jeunes de banlieues c’est tout de suite une bande de voyous…mais les voyous sont à la tête de ce pays ». Pour finir, elle critique un Etat qui divise la population entre « jeunes-vieux  public-privé, banlieue-ville les menant «à casser le sentiment d’appartenance à ce pays ».

Pour Marie-Claire, habitante de Paris,  la revendication est autre, puisqu’elle vient en tant que salariée Bricorama – Batkor. Elle dénonce la précarité au travail, notamment par le fait qu’en travaillant 35h, elle ne touche que 1000 €. Elle préconise donc un SMIC à 1700 € comme le propose la CGT car« tout augmente sauf les salaires».

Le pouvoir d’avoir est alors évoqué avec Eric que j’ai rencontré avec son petit panneau « Pas question d’engraisser les spéculateurs, on ne paiera pas, pas un rond, pas une flèche, on ne donnera rien ». Il est fonctionnaire et habite Les Lilas (93). Il est là car « il ne veut pas payer cette dette » et estime « qu’il en paie assez par l’intermédiaire aussi bien des impôts que le cours de la vie » et « que tout augmente alors que les salaires n’augmentent pas que ce soit pour le fonctionnariat ou dans le privé. ».

Il ajoute :  « on galère tous que ce soit les retraités, que ce soit les jeunes, tout le monde galère et on veut encore nous faire payer alors que des profits il y en a. Sur toutes les grandes entreprises ce sont des millions qui sont générés. Et nous on continue encore à nous demander de l’argent en gros. Je suis contre et je viens manifester ». Eric évoque le pouvoir d’achat qu’il avait à l’époque du franc qu’il trouvait satisfaisant pour manger et sortir. Il fait donc part de son regret de l’apparition de l’euro, il l’estime en partie responsable de la baisse de son pouvoir d’achat.

Dans un autre registre, cette dame âgée de 75 ans, accompagné de son livre « Le président des riches » et son papier format A3 qu’elle brandit à tout passant qui veut bien lui prêter attention. Elle est fille d’immigré et vit à Paris dans le 18ème. Elle raconte qu’elle vient à toutes les manifestations pour « soutenir la vie ». Car, dit-elle « quand on est à la retraite et qu’on n’est pas née avec une cuillère en argent dans la bouche, il faut lutter pour la vie. Il faut lutter pour sa santé pour ne pas que les riches vous prennent tout sur le dos, parce que les gens riches vivent avec votre travail. Comme on dirait vulgairement : ils prennent la laine sur le dos du mouton ».

Tous refuse de se voir imposer de payer la dette sans réagir, dénonçant la baisse du pouvoir d’achat en grande partie. D’ailleurs « la petite dame au livre » parle de revenir aux grève de 1936 (qui porta au pouvoir le Front populaire) pour « faire bouger les choses ».

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Chahira Bakhtaoui.

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