Toustes en vert pour Ta Salle de Travail, c’est le premier thème de l’afterwork. Yassimina, Manelle, Hady, fondatrices de l’association ainsi que Hadidja, rédactrice, arborent une tenue verte, couleur de l’association, tout comme quelques spectateurs qui ont suivi la consigne donnée en story Instagram quelques jours plus tôt. Deuxième élément indispensable de cette rencontre : le thé. « Parce que TAS2T », précise Hady. Il accompagne la convivialité.

Vendredi dernier, l’association TAS2T a fêté son retour après une année de pause. Au programme : histoire de l’association, partage d’expériences et débat sur l’égalité des chances. L’événement prend place dans le 18e arrondissement, berceau de l’initiative. Une vingtaine de spectateurs est installée sur des petits canapés marron. Hady, Yassimina, Manelle et Hadidja sont assises à l’extrémité de ce cercle. Un bouquet de fleurs blanches trône sur la table au milieu, par contraste au vert des tenues.

Un endroit pour réviser au calme

Si l’objectif principal de TAS2T est de permettre aux étudiant.e.s de travailler dans un lieu calme, Manelle rappelle une autre visée de l’association :  « On ne veut pas que TAS2T soit seulement des étudiants qui travaillent dans leur coin. On veut que des liens se créent, de l’entraide. » Qu’il s’agisse de salles louées à la maison de la conversation ou à Espoir 18, TAS2T est un lieu de rencontre entre étudiant.e.s.

Une musique entraînante se glisse en fond des discussions pendant les préparatifs de dernière minute. « C’est un bon compromis entre la bibliothèque et le café. En plus c’est gratuit », nous dit Gnamé. « C’est accessible à tout le monde », ajoute Yougoudou, sa sœur. Plus loin, installée sur l’un des canapés, Bridget nous explique être déjà venue réviser ses partiels dans l’une des salles louées par Ta Salle de Travail. Comme beaucoup de spectateurs présents, elle a connu TAS2T par l’une des membres, via ses réseaux sociaux.

L’étudiante, tout sourire, salue le fait que « c’est vachement convivial » et qu’il « y a de l’espace pour travailler. » Ce vendredi, Bridget est présente car « on m’a dit qu’on allait débattre d’égalité des chances et j’ai trouvé ça intéressant ». Une légère odeur de pizza circule en même temps que les boîtes les contenant, tenues par Hady. Ce soir, à la maison de la conversation, personne ne participera à la discussion le ventre vide.

La salle est silencieuse lorsque Manelle, Hady et Yassimina reviennent aux origines de TAS2T. Retour en juin 2019. C’est la période des révisions du baccalauréat. Les trois jeunes filles, alors âgées de 17 ans, peinent à trouver des lieux d’études à moins de trente minutes de transports de chez elles. L’idée de TAS2T commence à germer. Leur expérience à Cité des Chances, association qui promeut l’engagement citoyen, les convainc de se lancer à leur tour.

Combattre l’isolement et se donner de la force

Célébrer aujourd’hui le retour de leur association autour d’une conversation sur l’égalité des chances est ainsi une évidence pour ces quatre jeunes femmes. « L’égalité des chances, c’est mettre des moyens à disposition », souligne Yassimina. Le public applaudit, happé par les mots de la jeune Parisienne. Manelle évoque le parcours scolaire de Yassimina et Hady, excellentes élèves au collège, mais qui ont rencontré des difficultés à leur entrée en lycée général. La nuit tombe et l’éclairage de la salle s’intensifie. La discussion bascule autour de la solidarité dans des environnements où l’on se retrouve minoritaire. Hadidja raconte son expérience, l’isolement et l’absence de soutien de ses camarades en prépa littéraire. « Même si dans ma classe, je ne pouvais pas avoir d’épaule sur laquelle m’appuyer, dehors, je pouvais l’avoir. »

La parole circule autour des questions d’égalité des chances et de confiance en soi. « À quel moment vous avez compris que vous n’aviez pas la même chance que tout le monde ? », demande Hady qui balaye du regard la salle. « Avec mes copines à l’école, répond sans hésitation une jeune fille. Toi, tu dois faire plus d’efforts que d’autres. » Les témoignages fusent à mesure que la discussion progresse. Attentifs, les spectateurs s’écoutent les uns les autres, hochent la tête ou rient lorsqu’un.e autre plaisante.

Là où il y a un réel besoin, il faut y répondre et elles y répondent parfaitement

À l’issue de la discussion, Hichem Mekideche, directeur de l’association Oasis 18, salue leur parcours : « Ta salle de travail ne touche même plus que le quartier, car il y a des personnes de Cergy, des personnes de Stains, de partout » qui se rendent dans les espaces mis à disposition par l’association. « Là où il y a un réel besoin, il faut y répondre et elles y répondent parfaitement. »

TAS2T présente ses futurs projets

L’initiative de ces quatre Parisiennes originaires du 18e arrondissement prend de l’ampleur. Elles déroulent les futurs projets de l’association : aide à la préparation de CV et de lettres de motivation. Plus tard, Yassimina nous explique que TAS2T travaille avec le CRI (centre de recherches interdisciplinaires) sur le développement de techniques de révisions collectives. Le but serait que deux personnes étudiant des disciplines différentes puissent s’entraider.

Je n’ai jamais fait mes devoirs. Je ne pouvais pas, il y avait du bruit à la maison

Cette dimension pédagogique entre en écho direct avec le vécu de plusieurs spectatrices venues ce soir. Près des murs gris de la maison de la conversation, Aïchatou et Claudia, toutes deux en master MEEF encadrement éducation et rencontrées plus tôt pendant l’événement, reviennent nous voir. « On veut être CPE. C’est typiquement le genre d’initiative qui nous fait plaisir. L’école ne réussit pas forcément à mobiliser les élèves pour qu’ils travaillent, mais aussi parce qu’elle ignore les conditions de vie des gens. Moi, typiquement, je n’ai jamais fait mes devoirs. Je ne pouvais pas, il y avait du bruit à la maison ou je ne comprenais pas », détaille Aïchatou, Claudia acquiesce à ses côtés.

La jeune femme de 21 ans poursuit : « Je me dis que si des élèves viennent (à Ta salle de travail), ils ont un endroit calme, avec des gens comme eux qui les poussent à travailler. » Claudia ajoute même, avec enthousiasme, qu’avoir « ce genre d’initiatives est vraiment un levier pour aider les élèves qui sont en décrochage scolaire et qui ne trouvent pas d’intérêt dans les matières à l’école. » Pendant la discussion, Manelle explique vouloir « inspirer comme d’autres nous l’ont inspirée avant. » Une jeune fille au second rang réplique, le sourire aux lèvres, « c’est déjà le cas. » Manelle esquisse un sourire à son tour.

Malika Cheklal

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