Pas de prières à la mosquée, pas de grands repas familiaux, pas d’invitation des amis… Ce Ramadan 2020 aura une saveur toute particulière pour les musulmans, soumis au confinement comme une bonne partie de l’humanité.

Avec la fermeture des mosquées, Mohsen se retrouve par exemple quelque peu désoeuvré. Ce quarantenaire célibataire, grand voyageur qui a vécu à Dubaï, en Angleterre et en Allemagne, avait l’habitude d’y passer une bonne partie de son temps pendant ce mois sacré. « Je suis commercial et je voyage beaucoup pour mon travail, explique-t-il. Alors, pendant le Ramadan, je faisais une pause, je ralentissais le travail. Soit je prenais des vacances, soit je passais en télétravail. Mon rythme était complément différent, ma vie était tournée vers la mosquée. J’y passais quasiment toutes mes nuits, jusqu’à l’aube. »

La situation actuelle oblige Mohsen à dire au revoir aux mosquées, devenues pour lui un lieu de vie et d’échange autour de la spiritualité. Il ne pourra plus assister aux prières en commun comme il le fait depuis quinze ans. Plus de repas en commun non plus, un autre moment qu’il chérissait : « Chaque jour, des personnes se portent volontaires pour contribuer au repas. Moi, j’avais mon planning, je savais quel jour je contribuais. »

A quelques minutes de ses parents mais…

C’est un moment où son travail passait au second plan, le moment où il pouvait faire de nouvelles connaissances. C’est pendant ce mois-ci qu’il s’est fait certains de ses amis actuels. Depuis six mois, Mohsen est rentré en France, à Paris. Ironie du sort : il n’a jamais été aussi près de ses parents mais il ne peut pas aller les voir, par peur de les contaminer.

Sans la pandémie, le Bondynois aurait passé le mois à Berlin, là où il habite… et où il donne du temps aux autres. En dehors des moments spirituels, Mohsen fait partie d’une association, sur le même modèle que SOS Amitié en France. Le principe est simple : l’association offre un numéro de téléphone gratuit que toute personne peut appeler en cas de problème, pour discuter et être écouté. Pendant le Ramadan, Mohsen avait au bout du fil un certain nombre de coreligionnaires qui vivaient seuls et avaient besoin d’un peu de lien.

Si certains comme Mohsen attendent le Ramadan pour échanger et rencontrer de nouvelles personnes, d’autres en profitent pour se retrouver en famille. C’est le cas de… ma maman, Khaddouma. Ma mère aime aller au Maroc deux fois par an, une fois au printemps et une fois en été. Cette année, elle est partie le 1er mars et devait revenir avant le Ramadan pour le passer avec ses enfants.

Un moment central pour la famille

Mais l’épidémie est passée par là… Quinze jours plus tard, le confinement a été décrété en France et tous les aéroports marocains ont été fermés. Son vol a donc été annulé, ce que l’on a pris au départ plutôt positivement. Après tout, vu son âge (63 ans), il n’était pas plus mal qu’elle évite de rentrer en France où le virus circulait alors beaucoup plus. Elle aussi s’est faite à la situation, dans la maison où elle vit seule mais où sa sœur Saltana la visite souvent.

Mais, très vite, le manque s’est installé. « Quand une personne est seule, c’est très dur, raconte-t-elle. Pour quelqu’un qui a l’habitude d’avoir ses enfants autour d’elle pendant le Ramadan, c’est dur de se retrouver seule aujourd’hui. Une voisine est dans le même cas que moi, elle est venue et elle est coincée ici. Elle aussi, elle va devenir folle de ne pas passer ce mois-ci avec ses enfants ! Et pourtant, ils sont mariés ! »

Ma mère nous a demandé de la faire rentrer le plus vite possible, pour abréger une situation qui lui paraît interminable. Une impatience qui se comprend. Pour elle comme pour de nombreux musulmans, le Ramadan est un moment particulier. Une des rares occasions de réunir la famille, de discuter, d’échanger… Avec le confinement, c’est une partie de l’esprit du Ramadan qu’il manquera cette année.

Chahira BAKHTAOUI

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