#LESBÂTISSEURS Un weekend de trois jours pour permettre à une centaine de jeunes des quartiers de mettre un pied dans l’entrepreneuriat. C’était tout l’enjeu de la première édition de Startup Banlieue qui s’est tenue à Montreuil et au Stade de France.

Le projet Streety Food a remporté le premier prix de la Startup Banlieue.

« C’est une grosse fierté », déclare, ému, Mohammad Maqbool, cofondateur de Streety Food, à l’issue de la finale de Startup Banlieue, qui s’est déroulée au Stade de France, dimanche 1er octobre. « C’est incroyable ! On n’y croyait pas du tout jusqu’au bout » renchérit Alexis Fartek, autre cofondateur de ce projet, qui figurait parmi les 20 présentés durant ce weekend consacré aux entrepreneurs de banlieue par l’association France Banlieue créée en 2017.

Mais du coup, que propose Streety Food, le projet vainqueur ? « Streety Food, c’est amener le food-truck de qualité là où il doit être. Côté food-truck, trouver des emplacements pour que tous les jours, les salariés travaillent. Et côté entreprise, université, école, trouver une solution différente des cantines, de ce qu’ils mangent tous les jours. Innover à chaque fois en termes de proposition culinaire. Améliorer le bien-être des salariés », développe Mohammad Maqbool. Grâce à ce premier prix, qui leur permet d’avoir une place dans la Station F, le plus grand campus de start-up au monde, lancé à Paris par Xavier Niel et inauguré par Emmanuel Macron en juin dernier, ou encore une aide juridique pour 6 mois pour développer leur business, les cofondateurs ont la chance de recevoir un coup de boost pour leur projet, eux qui ambitionnent, à terme, d’atteindre l’échelle internationale.

Tous gagnants

Le deuxième prix est remis au projet « Girls Job ».

Le temps d’un weekend de 52 heures, 100 jeunes ont été formés à l’entrepreneuriat. Après trois jours de travail intense à Montreuil, les participants ont présenté leur projet au Stade de France devant plus de 400 personnes. Sur les 20 projets, 7 sont soutenus par des femmes et touchent des secteurs d’activité variés : santé, sécurité informatique des monnaies dématérialisées, alimentaire, design… Il s’agit pour certains de projets digitaux, mais aussi de commerce physiques. Si Streety Food a été récompensé de son travail par le premier prix du jury, composé d’entrepreneurs et de cadres dirigeants de grands groupes, comme Caroline Ramade, déléguée générale adjointe de “Paris Pionnières” ou capital-investisseur Marc Rougier, d’autres projets ont été également mis à l’honneur. Girls Job, par exemple, est récompensé du deuxième prix du jury. La porteuse du projet, Imène Draredja, explique que son application permettra aux entreprises en situation d’urgence d’être en relation avec des femmes, étudiantes ou actives « de manière instantanée ». « C’est novateur parce qu’on est dans l’ère de l’ubérisation de tout ce qui nous entoure », précise-t-elle. Autre projet, Opetitstade est une application qui permet à des personnes qui souhaitent regarder du sport à la télé, de le faire collectivement chez un particulier. Pour Steve Dompe, ancien footballeur et porteur de ce projet, Opetitstade « a un fort impact social et communautaire ».

Même les projets qui repartent sans récompense ont gagné. Comme We Win, une application qui « propose aux personnes de payer moins cher leur billet, toujours dans le même confort et avec plus de convivialité dans le train » selon Martin Mofali, lanceur de ce projet. Un positionnement qui fait mouche puisqu’il a obtenu un entretien, lundi 2 octobre, avec Mathias Vicherat, directeur général adjoint de la SNCF, en charge du Projet d’entreprise, de la Communication et de l’Image de l’entreprise publique. Ou encore Smartcabbie, une application qui s’adresse aux chauffeurs de taxi qui cherchent une personne ayant le permis taxi pour conduire et faire fonctionner un taxi en permanence. « C’est une application B to B qui s’adresse à un vrai besoin des taxis qu’est de pouvoir partir en vacances, ou prendre des weekends, en ne laissant pas leur voiture dormir dans leur garage. Et de ne pas perdre d’argent », explique Imen Alaoui, porteuse du projet. Ce qui a pu interloquer les membres du jury face à ce marché de niche, découvrant même les coûts de la licence de taxi et donc les difficultés des conditions de vie de ces travailleurs.

« J’ai discuté avec quelques porteurs de projet. Ça permet d’échanger des idées. C’est un échange win-win »

Parmi les mentors, le secrétaire d’État au numérique et ancien entrepreneur, Mounir Mahjoubi.

S’il y avait une logique de compétition entre les 20 projets, il y avait également une place pour l’échange entre les lanceurs de projet, dans une ambiance studieuse mais aussi décontractée. « J’ai discuté avec quelques porteurs de projet. Ça permet d’échanger des idées. C’est un échange win-win », juge Mohammad Maqbool. « Nous sommes naturellement allés les uns vers les autres. Parce que je pense que c’est très enrichissant, enchérit Imène Draredja. On s’est donné des conseils sur nos stratégies respectives, sur ce qu’on pouvait s’apporter ».

Tous saluent l’apport des différents mentors qui ont apporté aux équipes motivation et conseils pour améliorer leur projet et le défendre devant le jury. Et parmi ces mentors, un attire l’attention : le Secrétaire d’État au numérique, Mounir Mahjoubi. Sa visite, samedi 30 septembre, au 71 à Montreuil, et son discours ont marqué les entrepreneurs. « Il a une vraie expertise, une vraie vision extérieure », souligne Mohammad Maqbool. « Il nous a conseillé de rester soi-même, de raconter avec passion notre projet, de ne pas en faire des tonnes », rapporte Steve Dompe. Face à ce rassemblement d’entrepreneurs des quartiers populaires, le politique n’a pas caché son émotion de voir autant de gens « qui [le] ressemblent ». Interrogé par le Bondy Blog, l’ancien entrepreneur estime que ces entrepreneurs sont représentatifs de ce que doit être « la startup nation ». « La start-up nation, c’est un pays qui est capable de faire émerger un maximum d’entrepreneurs, de les transformer en champions, de créer des emplois, de créer de la valeur. Elle ne laisse personne sur le côté et elle est sûre d’aller chercher les énergies partout où elles sont sur le territoire » raconte-t-il. Avant de conclure : « Je veux plus de femmes et plus de gens issus des quartiers populaires qui entreprennent ». Ça tombe bien, Startup Banlieue ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.

Jonathan BAUDOIN

Crédit photo : Patrice BRETTE

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