[LES BÂTISSEURS] Ce jeudi soir avait lieu la finale du concours StartUpper Academy. 4 startups du 93 s’affrontaient à Sevran pour remporter 10 000 euros et un accompagnement par la Station F, l’incubateur fondé par Xavier Niel. Le Bondy Blog y était. Reportage.

C’est ce qu’on peut appeler un succès et pourtant c’était une première. Ce jeudi soir, en Seine-Saint Denis, en plein cœur de Sevran, Mohamed Ghilli, a réussi à réunir des centaines de personnes pour la première édition de la StartUpper Academy, un concours de battle de 4 startups. Les porteurs de projets sont tous du crû local : Noisy-le-Sec, Sevran, Aubervilliers et la Courneuve.

Quelques heures plus tôt, avait lieu le lancement du programme French Tech Diversité, un programme d’aide envers les entrepreneurs issus des quartiers populaires doté de 2 millions d’euros. « Un hasard du calendrier mais ce timing est finalement parfait, explique Mohammed Gjilli, par ailleurs président de l’association Idées Sevran. Ces programmes permettent de montrer à toutes les personnes présentes à la French Tech, puis ici ce soir, qu’il y a un vrai potentiel dans les quartiers mais surtout des besoins de financement et d’accompagnement des créateurs. On met en image ce que la FrenchTech racontait l’après-midi même ».

4 startuppers, 3 minutes, 2 demi-finalistes, 1 jury

Après un accueil chaleureux par les médiateurs du service Vie de quartier de Sevran, mis à disposition pour l’occasion, des centaines de personnes ont pu patienter en musique autour d’un buffet, en découvrant les stands des structures de MakeSense, l’Adive, Ghett’up ou encore l’ambassade des Etats-Unis présents pour l’occasion.

20h30 tapantes, les 4 finalistes coachés pendant 2 semaines intensives par l’équipe de The Family montent sur scène pour entamer les battle devant un jury prestigieux et piquant : Cyril Bertrand et Renaud Poulard, des fonds d’investissement XAnge et Omnes Capital, Benoit Rousseau et Virginie Gretz tous deux Business Angel, Laurent de Swarte, investisseur privé et Marwane Elfitesse, en charge du suivi des startups à la Station F.

Le jury de la StartUpper Academy. De gauche à droite : Cyril Bertrand, Laurent de Swarte, Benoît Rousseau, Virginie Gretz, Mohamed Ghilli, Renaud Poulard et Marwane Elfitesse.

Explication du concept, description de l’équipe, solidité du business model, vision et ambition de la startup… Chacun des 4 startuppers bénéficie de 3 rounds d’une minute pour pitcher sa startup avant un gong final. Place ensuite aux questions, salées, du jury sur le développement à l’international, l’acquisition des clients, la concurrence, les retours sur investissement, la teneur de l’équipe avant le vote fatidique du public.

La guitare de la victoire

Julien Mousseau, diplômé de l’école des Arts et Métiers Paris Tech et co-fondateur de Tracktor, le « Airb’n’b » de la location de matériel de chantier, entre sur scène le premier. Le voici qui s’apprête à affronter Maâde Guettouche diplômée d’HEC Paris et cofondatrice de Copelican, une solution innovante et collaborative d’envois d’objets ou de colis entre particuliers.

Malgré une très belle prestation de Julien et la solidité déjà établie de Tracktor, cette première demi-finale sera remportée, haut la main, par Maâde, arrivée avec une guitare sur scène pour illustrer une problématique parlant à tout le monde : « Tu connais pas quelqu’un qui part à Bordeaux et peut amener la guitare de ma pote ? » Effet plus que garanti : Copelican récolte les trois quart des votes du public et ceux de 4 jurés sur les 6.

La deuxième demi-finale réunit Akacha Dahmani, cofondateur de Carto-SI et Fatoumata Kébé tout juste diplômée d’un doctorat en astronomie et fondatrice de Connected –Eco. Sur scène, s’affrontent une application web de cartographie de système d’information dynamique et intuitive à destination des entreprises face à un système de données pour optimiser l’irrigation agricole. Du haut niveau !

« Startup comedy club »

Fatoumata Kébé, tout juste diplômée d’un doctorat en astronomie et fondatrice de Connected–Eco, un système de données d’optimisation de l’irrigation agricole.

Akacha, accessoirement Sevranais et favori du public, est très à l’aise dans l’exercice. Pendant sa présentation, il interpelle son équipe à travers la salle qui lui vient en soutien. Ce qui amuse les jurys et notamment Cyril Bertrand qui constatent que Carto-SI est déjà « une petite entreprise qui tourne avec ses codes et sa culture ». Fatoumata quant à elle, utilise l’humour pour raconter son expérience agricole à l’étranger et notamment dans son pays d’origine, le Mali. « Je viens du Royaume du Mali, je suis donc une reine », dit-elle en faisant une révérence au public. Tonnerre d’applaudissements. Cette fois, les votes sont très serrés. Il y a presque autant de cartons rouges que de cartons bleus visibles dans la salle et l’équipe de la StartUpper Academy doit vite se disperser pour faire précisément les comptes.

Même le jury de professionnels est partagé, certains penchent pour la vision business du projet d’Akacha tandis que d’autres s’intéressent à l’impact social Fatoumata qu’ils trouvent non décorrélé d’une vision business. C’est finalement Akacha qui l’emporte de justesse pour le public en majorité sevranais et qui part se préparer à affronter Maâde.

L’argent ou l’incubation ? Telle est la question

Les deux startuppers ont quelques minutes pour se préparer à pitcher autour de la question suivante. « Pourquoi devrions-nous vous choisir face à votre concurrent(e) ? » La réponse de Maâde consiste très succinctement à rappeler au jury que « Carto-SI est une entreprise qui tourne déjà et a déjà de l’argent ce qui n’est pas le cas de Copelican qui a besoin du gain des 10 000 Euros pour se lancer ». Huées dans la salle et cris de l’équipe Carto-SI toujours avec beaucoup d’humour puisqu’il s’agit d’une battle d’éloquence. Le besoin financier de Copelican est bien réel. Avec 2 000 annonces parues, Maâde et son associée Saliha Chekroun, doivent impérativement recruter. Elles insistent en expliquant qu’elles sont passées il y a très peu de temps à côté d’un recrutement par manque de moyens.

La question financière déjà abordée par sa concurrente, Akacha répond alors par le prisme de l’accompagnement qu’il espère gagner, arguant que « la croissance pour Carto-SI doit nécessairement être encadrée par l’expertise d’un incubateur comme la station F pour bénéficier du réseau et de l’écosystème important qui en découle ». En bon joueur, il interpelle Copelican en terminant son pitch par « On parlait de licorne* tout à l’heure, mais moi je n’ai jamais vu un Pélican se transformer en licorne ». Longs rires du public.

Le jury n’ayant pas, jusqu’à présent, son mot à dire dans le choix des demi-finalistes est à présent le seul décideur du gagnant du concours. Une question est alors est posée à chaque startupper sur les futurs recrutements prévus dans l’équipe pour cerner les stratégies de développement respectives des 2 cofondateurs. Le résultat s’annonce compliqué, les startuppers répondent parfaitement et la plupart des membres du jury avaient voté pour les deux demi-finalistes au premier passage.

Un choix difficile mais presque unanime

Après délibération houleuse, 4 membres du jury sur 6 votent, encore, pour Copelican qui l’emporte haut la main une seconde fois. Une problématique de transport qui parle à tout le monde, un potentiel à l’international, un besoin de financement et d’accompagnement important « pour déclencher les premiers euros » ainsi qu’une  « forte demande de la diaspora africaine (nord et sud) » font pencher la balance vers Copelican.

Carto-SI fait sensation mais « semble déjà sur une très bonne voie et avec moins de besoins que son concurrent » explique le jury. Marwanne Elfitesse de la Station F assure d’ailleurs à Akacha que d’autres programmes plus poussés seraient potentiellement intéressants pour Carto-SI au sein de l’incubateur. Finalement, personne n’est perdant.

L’écosystème de Seine-Saint-Denis porte ses fruits

Mohammed Ghilli clôture alors le concours par la remise du chèque de 10 000 Euros à Maâde et Saliha avant de remercier le public, le jury et ses mécènes. « Cet événement a été initialement financé par la mairie de Sevran et Fadela Benrabia, préfet délégué à l’égalité des chances. A l’origine, ce ne devait être qu’une soirée, nous avons pu en faire un concours car Saïd Hammouche président de la fondation Mozaik nous a permis de financer le reste ». L’écosystème a donc payé.

La suite ? L’ambition de l’équipe StartUpper Academy, qui a travaillé jour et nuit pendant 6 semaines pour cet événement est maintenant de le propager. Une fois par an, plusieurs fois dans l’année? Dans le 93 ou ailleurs en Île-de-France ? « Tout reste à construire », assure Mohammed Ghilli.

Le Bondy Blog félicite les 4 startuppers et les gagnantes pour leurs belles prestations et leur souhaite bonne chance !

Jihane HERIZI

Crédit photo : Mohammed Bensaber

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