#CouscousChallenge. Cette année, l’association argenteuillaise à vocation humanitaire et écologique Génération Entraide innove en lançant le Couscous Challenge. À l’origine, l’objectif était de servir 500 plats de couscous à des Chibanis, anciens travailleurs immigrés souvent issus d’Afrique du Nord, vivant dans des foyers où beaucoup d’entre eux vivent loin de leurs familles.

Au fur et à mesure de l’initiative, Génération Entraide entre en contact avec différentes structures d’accueil et soutien des populations en difficulté sociale et financière en Île-de-France. « Le couscous c’est le symbole de l’Afrique du Nord. Pour définir les berbères, Ibn Khaldoun disait que la contrée des Berbères commence là où on porte le burnous et s’arrête là où les gens ne mangent pas de couscous », enseigne Sadi Hamichi, président de Génération Entraide. Ce plat est mangé en toute occasion, dans la fête, la joie ou la tristesse, explique l’humanitaire. De facto, le lien entre le couscous et les chibanis est fort.

500 couscous distribués, c’est l’objectif fixé par l’association Génération Entraide. 

Le couscous des restaurants, ce n’est pas comme celui fait maison. Ça me rappelle des souvenirs.

Ce vendredi, le foyer Adoma du 1er de la rue des Primevères est l’un des trois points de distribution du jour. Les locataires descendent timidement afin de récupérer une boîte de couscous. Cherif, un Algérien de 70 ans, ne peut contenir son sourire même derrière son masque. « Le couscous des restaurants, ce n’est pas comme celui fait maison. Ça me rappelle des souvenirs. Ma mère et d’autres membres de la famille se réunissaient pour le préparer », confie l’aîné en invoquant des bénédictions sur les bénévoles de Génération Entraide.

« Moi, je ne peux pas cuisiner », confie un bénéficiaire marocain de 75 ans. Il récupère une deuxième boîte pour l’un de ses voisins ne pouvant pas se déplacer. Derrière un humour propre à lui, ce chibani isolé et endeuillé confirme que la distribution lui fait chaud au cœur.

Une demande d’un chibani à l’origine du Couscous Challenge

Après une seconde étape au foyer Adoma, les humanitaires s’apprêtent à partir vers le centre d’hébergement et d’assistance aux personnes sans-abri de Nanterre. Dans l’une des voitures, c’est aussi l’heure des constats. « Il y a des gens qui n’arrivent pas à sortir, ou alors n’osent pas descendre par honte. Pour certains, demander de l’aide revient à se sentir rabaissé », expose l’une des bénévoles. Malgré ces barrières que l’association compte franchir, le Couscous Challenge est bien né d’une demande de Chibani.

À Nanterre, au foyer Adoma les chibanis prennent aussi pour ceux qui ne peuvent pas se déplacer.

Lors d’une distribution de colis alimentaires, un chibani interpelle Sadi Hamichi, président de Génération Entraide. « Il m’appelle ‘mon fils’, et me dit qu’il a deux craintes. La première est de mourir ici seul et d’être enterré sans que personne ne le sache. La seconde c’est de mourir sans pouvoir remanger un couscous », explique l’Argenteuillais. La fois suivante, soit le 25 avril, Sadi apporte 50 portions. « Ça a créé une émeute », se souvient-il. Pour l’association, c’est la preuve qu’il y a une véritable demande même si elle n’est pas verbalisée. La semaine suivante, les bénévoles s’organisent afin de cuisiner 500 repas à destination des chibanis. L’association fait le tour des foyers de chibanis d’Argenteuil et de Bezons.

On essaye de cuisiner à la façon des traditions de tout le Maghreb.

« Un navet et deux carottes », s’exclame l’une des marmitonnes bénévoles. Ce vendredi, il y a pas moins de dix femmes derrière les fourneaux pour préparer 500 plats. La veille, la petite équipe s’était attelée à des séances d’épluchage de légumes. Le jour J avec la distribution, « c’est de 9h à 21h non-stop », rapporte Tata Aïcha, la cuisinière en chef.

Dans la cuisine aménagée sur le parking en plein air d’une propriété privée d’Argenteuil, une grande marmite pleine de sauce cuit tranquillement au gaz. Les ingrédients sont disposés dans de larges plats creux, en métal, ou en bois. Pour les dosages et les épices ? Tout est dans la tête de Aïcha. « Pour les recettes du couscous ça dépend de ce qu’on a. On essaye de cuisiner à la façon des traditions de tout le Maghreb. On sait que ça leur manque », sourit-elle.

Une cuisine improvisée pour une recette du couscous maîtrisée de A à Z pour les chibanis.

« Il y a une bonne ambiance ici, et c’est important », affirme la cuisinière. Comme pour les autres, c’est l’envie de rendre service et d’aider qui motive Fatima, 50 ans. « Je travaille, mais j’ai pris ma demi-journée pour venir aider. Ça me fait chaud au cœur de participer », explique Fatima qui travaille dans le domaine de la puériculture. « Les chibanis dans les foyers ont envie de manger un bon couscous. Et c’est le ramadan, ils n’ont pas forcément de famille », conclut-elle.

Un challenge à visée nationale et financé par des dons de particuliers et de professionnels

Au même moment où l’équipe se réunit pour commencer à charger les véhicules, Reda, 33 ans, apparaît. Il est venu en repérage. « Ma mère souhaite faire une aumône, mais ne peut pas se déplacer. Avant je distribuais son couscous sur Bezons et Argenteuil. Mais je suis tombé sur les publications de l’association, maintenant je sais où c’est. » Et le cas de Reda n’est pas singulier.

Si les dons de particuliers, nourrissent les actions de Génération Entraide et du Couscous Challenge, d’autres acteurs ont souhaité s’investir. « Des commerçants d’Argenteuil et de villes environnantes nous aident en nous fournissant des aliments par exemple », dévoile Mina, trésorière et secrétaire de Génération Entraide. « On a vraiment acquis leur confiance, et il y a aussi des résultats. »

Il est important de souligner que de nombreux élus font appel à nous.

« Le restaurant Le Spécial donne mensuellement 1200e de nourriture et de ticket, depuis 5 ou 6 mois », ajoute Sadi Hamichi. La chaîne de restauration rapide de la ville fait savoir qu’elle souhaite être un acteur actif permettant à des familles dans le besoin de pouvoir se nourrir. Un partenariat qui permet à l’association de pouvoir continuer ses actions de maraudes et de Couscous Challenge.

À Nanterre, les distributions aux plus précaires s’enchaînent.

Mais la générosité des habitants et des commerçants va-t-elle permettre de pérenniser le Couscous Challenge ? « Nous, on demande de l’aide à la région, parce qu’on intervient dans toute la région », tranche Sadi Hamichi. Jonathan Landfried Jégou, vice-président de Génération Entraide et  secrétaire départemental au sein de l’ Association nationale des collaborateurs de ministres et de parlementaires, pose aussi la question de la participation publique dans l’initiative, notamment de la part de la ville de Nanterre.

« Il est important de souligner que de nombreux élus font appel à nous, parce qu’ils savent qu’il y a une forme de rayonnement et d’efficacité derrière nos actions. Par ailleurs, comme nous ne sommes pas une association de leur ville, il n’y a pas d’aide », éclaire Jonathan Landfried Jégou. « Je ne trouve pas que ce soit particulièrement normal. A partir du moment où on est sollicité par une collectivité  qu’on soit de la ville ou non, on devrait avoir le droit à aides au sein de cette collectivité, qui font que ça mérite d’être souligné ».

Une synergie associative pour rendre le Couscous Challenge viral

Invitée lors de la distribution de vendredi, Merieme Faked, conseillère handicap à la ville de Nanterre a approuvé le Couscous Challenge. L’élue assure qu’elle fera remonter l’information à ses collègues. De son côté la ville d’Argenteuil n’a pour le moment pas fourni d’aides financières à proprement parler, mais un véhicule pour faciliter les distributions et déplacements. « On ne va pas jeter la pierre sur Argenteuil, car c’est notre ville et ça fait longtemps que nous travaillons ensemble. Nous sentons que nous avons leur soutien. Mais nous voulons ne pas rester cantonnés à un seul endroit, donc on essaye de mettre en place des synergies associatives », maintient le vice-président.

Génération Entraide peut compter sur des réseaux associatifs pour démocratiser le Couscous Challenge. Laïd Lacheheb, membre de la FNAFAL, Fédération Nationale des Associations Franco-Algériennes Libre, est venu montrer son soutien. « Quand on a du temps, on vient donner un coup de main », raconte t-il. Laïd Lacheheb explique que l’initiative du Couscous Challenge est remontée jusqu’à des organisations lilloises. Mais Génération Entraide vise plus loin que les Hauts-de-France pour cette initiative. L’association argenteuillaise veut faire de son Couscous Challenge un défi relevé dans toute la France.

Amina Lahmar

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