« L’apogée de la première quinzaine des fiertés. » C’est ainsi qu’Axel Ravier, l’un des portes-parole du mouvement, décrit la 3e Pride des Banlieues. Samedi 3 juin, la place René Dumont de Saint-Denis a accueilli plus de 15 000 participant.e.s.

Fanfare, drapeaux et pancartes, l’ambiance est bien là. Anaïs et son amie ont choisi de venir aujourd’hui pour renforcer la visibilité des personnes queers et racisées des quartiers populaires. « J’habite en banlieue, j’ai une identité banlieusarde, revendique Anaïs. J’ai toujours participé aux marches à Paris, mais ça me paraissait important de marcher chez nous, en périphérie. » 

Youssef renchérit : « Ici, il y a plus du punch. Je vois les gens, je vois les looks … Il y a plus de diversité et c’est vachement cool. » 

Il y a beaucoup de personnes LGBT qui vivent ici donc c’est important de faire exister ces populations

Accompagné de ses amis, Cédric participe pour la troisième fois à la Pride des Banlieues, à Saint-Denis. « C’est une ville et un département qui traîne beaucoup de casseroles, dit-il. Pour autant, il y a beaucoup de personnes LGBT qui vivent ici donc c’est important de faire exister ces populations dans le lieu où elles habitent. » 

De son côté, Assouan participe à la Pride des banlieues pour la première fois : « J’en ai fait très peu, car je suis arrivé.e en France il y a un an ». Venu.e de Guadeloupe, iel habite désormais dans le 17e arrondissement. Aujourd’hui, iel marche pour les droits des personnes trans noires. « Je trouve qu’on n’en parle pas assez. Il y a beaucoup de jeunes qui se font tabasser, que ce soit par leurs parents ou par leur entourage. Ayant vécu ça, je veux essayer de l’éviter le plus possible. » 

PMA : contre l’exclusion des personnes trans, handis, grosses et racisées

Si l’ambiance est festive, les militant.e.s comme les bénévoles du mouvement viennent avant tout défendre une PMA pour toustes. « On s’est rendu compte que la loi bioéthique [votée en 2021] n’était pas du tout satisfaisante, explique le jeune homme. L’exclusion des personnes trans ainsi que les discriminations subies par les personnes handis, grosses et racisées pour avoir accès à la PMA sont totalement inacceptables pour nous. » 

Arsène partage cette indignation : « Je trouve ça anormal qu’on soit privé de ce droit-là juste en fonction de notre identité ». Selon lui, « il n’y a aucune raison que les mecs trans ne puissent pas accéder à la PMA si les lesbiennes le peuvent. » Aujourd’hui, il est venu en bus d’Aubervilliers pour « extérioriser » et pour « dire haut et fort » que les personnes queers existent et qu’elles ont des droits.

Un peu plus loin, Maya et Julie reviennent sur l’injustice que représente la méthode Ropa. Ce traitement est une technique basée sur l’utilisation d’une FIV (Fécondation In Vitro) utilisant les ovules du couple et le sperme d’un donneur anonyme, pour parvenir à la formation de l’embryon.

« Si dans le couple, il y a une personne racisée qui ne peut pas porter l’enfant, alors il n’aura pas ses gènes. Il y a un problème de transmission et de donneur racisé », développe Julie. « Quand on est blanc, on a le droit d’avoir des donneurs blancs et quand on est racisé, on est obligé d’avoir des donneurs racisés. Cela complique les démarches ! Pourtant, c’est hyper courant que des personnes blanches adoptent des personnes noires », pointe Maya.

Pour renforcer le droit à une PMA pour toustes, le collectif de la Pride des banlieues a mis en place une pétition. En France, les femmes noires attendent effectivement en moyenne quatre fois plus pour bénéficier d’un don d’ovocytes.

« Il faut donc lutter sur les deux fronts plutôt que de renvoyer ces discriminations dos-à-dos » 

Au bout du parcours, place Jean Jaurès, le village associatif accueille les militant.e.s. Flo et Liam tiennent le stand de Queer Education. D’abord fondée sur la base d’un groupe Facebook, l’association a pris de l’ampleur et propose des ressources pédagogiques pour une éducation queer et inclusive. « Une fois par an, on organise des ateliers thématiques, raconte Liam. Cette année, on fait une journée autour des liens entre le racisme et les LGBTphobies à l’école ».

« On fait ça pour lutter contre le discours qu’on entend souvent au sein de l’Éducation nationale qui dit que la LGBT phobie vient tout le temps des personnes racisées », explique Flo. « Il faut donc lutter sur les deux fronts plutôt que de renvoyer ces discriminations dos-à-dos. » 

Les personnes les plus touchées par le VIH-sida sont les HSH et les personnes migrantes

À quelques mètres de là, Christophe Martet est venu parler de l’association qu’il préside, Paris Sans Sida. « Notre but, c’est de collecter des fonds pour apporter un appui aux associations et aux personnes concernées, détaille-t-il. Les personnes les plus touchées par le VIH-sida sont les HSH [hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes] et les personnes migrantes. »

Ainsi, l’association a mis en place le programme « Au labo sans ordo » qui permet aux personnes de se faire dépister dans n’importe quel laboratoire sans avoir besoin d’avancer de fonds. Paris sans sida participe aussi au renforcement de la PreP [médicament antirétroviral qui prévient et protège du VIH]. « On sait qu’il n’est pas suffisamment utilisé. On est à 42 000 prescriptions par mois, il en faudrait le double, si ce n’est le triple », explique Christophe.

Alors que les gens font la queue aux toilettes publiques près des stands, la docteure Pauline Matthieu les sensibilise au dépistage du chlamydia-gonocoque : « C’est la première infection sexuellement transmissible en France. On peut l’avoir sans ressentir aucun symptôme. » La jeune femme travaille dans l’un des trois centres de dépistage du département. « Notre spécificité, c’est de faire beaucoup d’actions hors les murs, précise-t-elle. On va faire des dépistages auprès des populations qui en ont le plus besoin, à savoir les travailleur.euse.s du sexe et les personnes migrantes, car elles sont éloignées du système de soin. » 

L’enjeu central de la représentation

Au loin, le public acclame les artistes invité.e.s à performer sur scène. C’est de là que vient Kevhoney Scarlett, celle qui va représenter la France au concours Miss Trans Global en juillet prochain. « J’avais déjà travaillé avec la Pride des banlieues l’an dernier, dit-elle. C’était important pour moi de ne pas juste être là, mais de montrer mon engagement sincère sur la durée. »

À quelques semaines du concours, Kevhoney se sent fière : « Je n’y vais pas juste par ego, mais surtout pour représenter ma communauté. J’espère être une voix pour tout le monde. » La Miss est sur tous les fronts. Elle produit du contenu sur ses réseaux, milite pour une meilleure représentation des minorités et prépare un concours de beauté international.

Dans nos institutions, il n’y a pas assez de personnes concernées qui sont décisionnaires

Cela s’inscrit dans une réelle volonté politique : « Je trouve que dans nos institutions, il n’y a pas assez de personnes concernées qui sont décisionnaires. » 

En fin de journée, la place Jean Jaurès se désemplit peu à peu. Les militant.e.s sont désormais invité.e.s à faire la fête à la Cité Fertile de Pantin puis au Chinois à Montreuil. Politiquement, l’année a été dure, mais la lutte continue. L’arrivée des JO à Saint-Denis sera sans doute le prochain enjeu de ralliement solidaire.

Marthe Chalard-Malgorn

Crédits photos : Olorin Maquindus

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