En face de l’imposant bâtiment du COJO, quelques barnums blancs se dressent sur la place du Front Populaire, ce dimanche 11 décembre. Une odeur naissante de crêpes et de boissons chaudes embaume l’espace où une centaine de personnes s’amasse peu à peu autour d’une fanfare. Le groupe s’est réuni pour protester contre les conséquences sociales et environnementales des Jeux olympiques 2024 en Seine-Saint-Denis.
Le rassemblement précède la révision du budget des JO qui a lieu ce lundi 12 décembre lors du conseil d’administration annuel de la COJO. « Il est fort probable que le budget soit rediscuté à la hausse, ils disent que c’est pour suivre l’inflation, mais c’est une augmentation bien plus importante qui s’approche des 10 % », pointe Nora du collectif Saccage2024, à l’initiative de l’événement.
La dénonciation de cette hausse « d’environ 400 millions d’euros » s’ajoute aux autres combats que mènent les différents collectifs locaux du département. « On a tous des luttes précises, mais on se retrouve sur des objectifs plus globaux », résume Nora.
« Je ne suis ni pour ni contre les JO, c’est la manière dont sont faites les choses qui me dérange »
Bétonisation, urbanisation, destruction d’espaces verts et publics… Les différents projets de construction ont entraîné de multiples mobilisations d’habitants qui souhaitent défendre leurs lieux de vie en Seine-Saint-Denis. Certains comme le collectif de défense des Jardins d’Aubervilliers ont obtenu partiellement gain de cause : une partie des jardins devrait être préservée. D’autres n’ont pas eu cette possibilité.
Juju et Guillaume font partie de La Boulette, un club de pétanque dionysien situé vers la Porte de Paris. Les boulodromes sont devenus un endroit où les gens se retrouvent pour partager un repas ou écouter de la musique. « C’est un lieu de sociabilité, de solidarité. Il y a du monde tous les jours, des personnes précaires viennent. Maintenant, c’est un chantier, ça a été détruit. » Ils expliquent avoir tenté de négocier la préservation des terrains avec la ville, en vain.
« Moi, à la base, je ne suis ni pour ni contre les JO, c’est la manière dont sont faites les choses qui me dérange », souligne Hamid Ouidir, membre du collectif Pleyel à Venir et délégué de l’Association de Parents d’élèves adhérents de Seine-Saint-Denis (FCPE93). Le parent d’élève lutte contre la construction d’un échangeur à cinq bretelles qui doit relier le village olympique au village des médias au niveau du Carrefour Pleyel. « Ce diffuseur va emprisonner une école de 600 élèves. Ça représente le passage de plus de 20.000 véhicules par jour, ça va asphyxier les gamins », décrit-il en colère. Pour lui, il est important de dénoncer la situation pour ne pas que la même chose arrive ailleurs.
Transformations sociales sur le long terme
Après une rapide prise de parole et quelques chants engagés d’une chorale, des tables rondes débutent avec un premier sujet : l’enjeu sécuritaire. « Beaucoup de technologies vont être testées au moment des JO, on a peur qu’elles restent après les jeux », explique Nora de Saccage2024. En plus de l’ouverture d’un nouveau commissariat à Saint-Denis fin 2020, les habitants ont vu apparaître des caméras de surveillance dans les rues. En partie justifiées par l’arrivée des JO, ces décisions politiques sécuritaires relèvent du maire socialiste actuel de la ville, Mathieu Hanotin.
« Les projets de la ville et du département sont en train de détruire et transformer l’agglomération à grands pas. Ça bousille tout, pour nous, tout est bouleversé », s’inquiètent les deux jeunes de la Boulette. En plus de la privatisation de certains biens publics, l’ensemble des collectifs présents appréhende une possible gentrification de leur département. En effet, les bâtiments construits doivent être retransformés par la suite en logements, mais le loyer ne sera pas obligatoirement le même que celui actuel.
« On va assister à une transformation sociale, souligne Marianne du Comité de vigilance des JO2024. On vire les pauvres toujours plus loin. » Pour cette habitante du 93, le sujet de l’usage et de la réutilisation des nouvelles structures reste questionnable. « Par exemple, la piscine de Croix de Chavaux va être fermée pour rénovation parce qu’elle va devenir un lieu d’entraînement. Mais par la suite, après sa privatisation est-ce que le prix va augmenter et qui va pouvoir encore y aller ? » Une question parmi tant d’autres qui reste en suspens et continue de nourrir une défiance face à ces Jeux.
Lisa Noyal