Il est 15 heures passées. En face du tabac-presse du Dragon, se trouve une pharmacie où deux employés rangent les produits dernièrement arrivés. Il n’y a pas de client, un écriteau signale que la pharmacie sera fermée quelque temps. Un homme entre par l’arrière-boutique. Vêtu simplement, d’une chemise à carreaux, il se présente. « Bonjour mademoiselle, Elie Semhoun que désirez-vous ? » Mon visage affiche une grande surprise. Le pharmacien s’en amuse : « Ça vous en bouche coin, hein ! » Tout content de son effet, il marche fièrement comme un enfant qui dirait : « Je t’ai eue, patacruu. »

Elie Semoun l’acteur, qui a ôté le « H » de son nom de famille, n’est pas que son homonyme. C’est aussi son cousin, un cousin germain, affirme le pharmacien. Voici le pourquoi du comment : « Mon grand-père, c’est son grand-père, ma grand-mère c’est sa grand-mère et mon père est son oncle. » Rien que ça.

Elie le pharmacien a 62 ans. Il travaille à la pharmacie des Pyramides depuis 1976. Il se montre plutôt discret, ne souhaite pas étaler sa vie, préfère jouer aux questions-réponses. Alors il parle du calme de la pharmacie et des rencontres sympathiques avec les clients. Après qu’il eut terminé ses études et son service militaire, on lui a propose de s’installer ici. Il ne s’est pas posé de questions, il a accepté.

« Les Pyramides, dit-il, c’est un p’tit quartier sympa, les gens se connaissent et s’apprécient, pas de problèmes d’incivilités. Non, moi, je trouve que c’est agréable d’y vivre. » Raison pour laquelle il y a habité pendant 20 ans avant de déménager. Ses enfants ont grandi et ont eu besoin de se rapprocher de Paris pour les études. L’un d’eux est biologiste, un autre conducteur de travaux.

Elie le pharmacien réside ailleurs qu’aux Pyras, mais c’est aux Pyras qu’il travaille. La convivialité, les fêtes, le voisinage, voilà ce qu’il retient de cette cité. Un dernier mot ? « Le sport nous a réunis ainsi que les concours de pétanque. » Il sourit, puis reprend : « Ce qui a changé c’est la paupérisation du quartier et c’est dommage… »

Silvia Sélima Angenor

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Silvia Sélima Angenor

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