Vendredi 7 avril, l’ambassade française du Rwanda a organisé, en collaboration avec l’association Ibuka France qui soutient les rescapés et remplit un devoir de mémoire, une journée pour honorer les disparus.

Accueillis au Pavillon d’Armenonville, les invités ont assisté aux discours de rescapés, de Marcel Kabanda, président d’Ibuka France, et d’autres représentants d’institution dont l’ambassadeur du Rwanda en France, François Nkulikiyimfura. Ces différentes prises de parole ont avant tout mis en avant la place cruciale que représente la nouvelle génération, les enfants des rescapés et génocidaires, dans le processus de mémoire. « Une nouvelle génération qui ne connaît pas les ténèbres, mais doit affronter les ombres », a justement énoncé Jessica Mwiza, conférencière et militante franco-rwandaise.

Commémorer pour ne pas oublier

Chrysoula Zacharopoulou, la Secrétaire d’État auprès de la ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, n’a pas caché son émotion lors de son allocution. Énonçant le projet de mémorial sur l’esplanade entre le Pont de l’Alma et les Invalides, elle y voit un rappel constant à toutes des atrocités que peuvent commettre les hommes.

Pendant son témoignage, Esther Mujawayo, sociologue, psychothérapeuthe et rescapée, commence en plaisantant : « La première chose que j’ai faite en arrivant, c’est de me mettre proche de la sortie. C’est un réflexe de rescapée ! ». Auteure de livres sur son histoire, Esther Mujawayo est aussi la cofondatrice de l’Association des Veuves du Génocide d’Avril 1994 (AVEGA) qui organise un réseau d’entraide avec une cinquantaine de femmes. Ses blessures sont toujours là, profondes et inguérissables.

L’après-midi fut l’occasion pour les élèves de Seconde, Première et Terminale du Lycée Malherbes de Caen de présenter leur travail sur le génocide. « [Les élèves] sont tous musiciens, explique Frédéric Lebreton, professeur de musique, à l’origine du projet.  C’est à travers la musique que nous avons abordé le génocide. Nous avons lu des textes, surtout ceux de Gaël Faye, écrit des chansons et essayé de trouver les bons mots. »

On ne connaissait pas du tout l’histoire de ce génocide

Après avoir partagé leur impression, les élèves ont interprété la chanson Lean on me de Bill Withers devant Anne Hidalgo, maire de Paris, Jacques Fredj, directeur du mémorial de la Shoah et d’autres figures. Natia, élève de Terminale, nous a expliqué, avec ferveur, avant leur perfomance : « On ne connaissait pas du tout l’histoire de ce génocide. Maintenant que l’on le connait, à notre tour, on veut répandre. » Cette partie de la cérémonie s’est déroulée au Jardin de la mémoire du génocide des Tutsis au Rwanda, au parc de Choisy.

Un recueillement et un dépôt de gerbe de fleurs à la stèle au cimetière du Père Lachaise étaient organisés vers 17 heures. Pour clôturer cette journée, une veillée commémorative de 19h jusqu’au lendemain matin, 5h, se tient au siège de Médecin du Monde à Saint-Denis.

Travail de mémoire et lutte contre le négationnisme

« Je suis très contente. Les gens nous soutiennent, ce n’était pas le cas au début. On était très seuls au départ. Voir les élus et d’autres figures importantes venir pour notre événement, ça veut dire quelque chose. On avance, cela va servir à la lutte contre le négationnisme et à l’éducation », espère la fondatrice d’Ibuka France. Depuis lendemain du génocide, l’association d’Ibuka a organisé, année après année, les commémorations autour d’un thème principal : se souvenir, kwibuka en kinyarwanda.

Cette mission de transmission est totalement endossée par l’association qui intervient en milieu scolaire. « Ce qui est important, c’est qu’il y ait du monde au parc de Choisy pour que les passants passent à côté et s’interrogent sur ce génocide et la cérémonie du 7 avril », insiste Sandrine Zalcman, avocate et membre du conseil d’administration de l’organisation. Elle a tenu à le rappeler : « Ibuka est à l’origine de tous les lieux de mémoire en France. » À noter que cette association remplit aussi le volet judiciaire : assigner les génocidaires encore en liberté en justice en se constituant partie civile.

Cette journée fut une invitation à se souvenir des disparus et à solidifier les bases de l’avenir. En présentant les rescapés comme des acteurs de leur propre reconstruction, l’ambassade du Rwanda et l’association Ibuka ont alors montré que la communauté rwandaise en France est au rendez-vous pour faire de la France un lieu de mémoire.

Lou Attard

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