Jeudi 23 avril, après l’annonce de l’annulation des loyers du mois d’avril, une Balbynienne nous racontait son soulagement : « C’est un cadeau du père Noël ! » Il semblerait que, finalement, le père Noël n’existe pas… Entre temps, un courrier signé du président de l’OPH est venu doucher les espoirs des locataires, certifiant que l’annonce de la municipalité n’était pas possible, peut-être même pas légale.

« On est très en colère !, s’emporte Véronique Balhadere, vice-présidente de l’amicale des locataires de la cité de l’Amitié et candidate aux municipales sur la liste communiste. Je trouve ça inadmissible. Certains locataires ont dépensé de l’argent en pensant qu’il n’y allait pas avoir de loyer en avril. »

L’OPH de Bobigny, qui gère quelque 4000 logements, a écrit à ses locataires ce mercredi pour leur expliquer que cette annonce ne reposait sur « aucune base légale » et qu’elle « fragiliserait d’autant plus la structure financière de l’OPH ». L’office est par ailleurs lié par un plan de rétablissement à la Caisse de garantie du logement locatif social (CGLLS) pour la période 2015-2021.

Dans une réponse publique à ce courrier, la mairie, elle, conteste tout effet d’annonce et met la pression sur le président de l’office, Jonathan Berrebi. « Ce jour (…) 10 administrateurs ont cosigné un courrier adressé au Président de l’office HLM afin d’exiger la tenue d’un conseil administratif extraordinaire dont l’ordre du jour porte exclusivement sur la question de l’exonération des loyers », écrit la ville ce jeudi.

Une façon de mettre la pression sur le président de l’OPH en s’appuyant sur ses administrateurs, dont une bonne partie est liée à la majorité municipale. A l’Hôtel de ville, on nous fait savoir que la mesure n’est pas abandonnée, loin de là : « Elle devrait être reportée en mai, nous dit-on, mais il y a encore une possibilité d’exonération des loyers d’avril pour les familles les plus précaires. »

La fenêtre de tir semble réduite pour l’équipe municipale, qui n’a pas les coudées franches dans ce dossier. Malgré les annonces publiques et le courrier signé par les administrateurs, seul le conseil d’administration de l’OPH peut décider l’exonération des loyers. Et seul le président de l’office peut convoquer son CA. Ni l’une ni l’autre de ces conditions n’était réunie avant que la mairie n’annonce en grande pompe cette mesure, le 23 avril.

En attendant un hypothétique report au mois de mai, ce revirement place les locataires dans le flou, sinon dans une insécurité financière encore plus grande. « On s’y attendait, souffle José Moury, élu d’opposition PCF et président de l’OPH de 2008 à 2014. On est déjà dans une période difficile où les gens sont fragilisés y compris sur le plan psychologique. Dans cette période, je trouve ça extrêmement grave. » Et le colistier communiste de s’en prendre à Christian Bartholmé, premier adjoint au maire et candidat de la majorité UDI sortante : « Il est en roue libre, seul contre tout le monde, y compris contre ses élus. »

Christian Bartholmé est le candidat de l’UDI après avoir été premier maire-adjoint depuis 2014 / (C) Héléna Berkaoui

Le courrier de l’OPH a en effet quelque chose d’inattendu dans la mesure où l’office est présidé par un élu de la majorité et adjoint au maire (!), Jonathan Berrebi. Le premier communiqué de la mairie laissait pourtant penser à une décision prise de concert avec l’OPH, qui n’est plus directement sous l’autorité de tutelle de la mairie depuis le 1er janvier 2019. Visiblement, c’est plus compliqué…

Dans un échange de mails que le BB a pu consulter, on découvre effectivement que la solution de l’exonération des loyers a été discutée entre le cabinet du maire et le président de l’OPH mi-avril. Jonathan Berrebi y chiffre la mesure à 1,7-1,8 million d’euros et propose en prendre en charge au moins entre 800 et 850 mille euros. Il y évoque, au conditionnel, la possibilité de financer la différence « sous forme d’exonération de la taxe foncière à hauteur de 1 million d’euros ».

En se basant sur cet échange, la mairie a donc proposé une subvention exceptionnelle de 800 000 euros, demandant publiquement à la direction de l’OPH « d’utiliser tous les leviers » pour financer le reste.

Une majorité UDI qui continue de se déchirer

Pour qui s’intéresse à la vie politique balbynienne, cet épisode ressemble à un énième acte du déchirement de la majorité UDI. Au moment de l’annonce de l’exonération des loyers, certaines voix s’élevaient déjà pour pointer les limites d’une telle décision. L’exonération ne concernait que les locataires de l’office HLM de Bobigny créant de fait une inégalité de traitement entre les Balbyniens.

Des interrogations sur la faisabilité tant sur le plan économique que sur le plan juridique étaient aussi formulées par l’opposition. Et le report des travaux corrélé à cette mesure (c’est une façon de faire des économies) posait question au vu de l’état du parc social de l’office. L’année dernière, un pan du revêtement d’un immeuble de l’office s’est effondré rue Hector Berlioz.

Enfin, cette annonce advient alors que la municipalité sortante est toujours en ballotage défavorable pour les municipales (les communistes ont devancé l’UDI de près 10 points au 1er tour). L’accusation de manoeuvre électorale a été nourrie par la forme du communiqué de la mairie UDI qui évoque « la dette de près de 15 millions d’euros laissée » par l’ancienne majorité PCF.

Si la dette s’est effectivement résorbée durant le mandat de l’UDI, la mairie oublie ici de parler de sa propre gestion de l’Office. Un rapport de l’agence nationale de contrôle du logement social (Ancols) relève les irrégularités et dysfonctionnements de l’office. Sur 80 dossiers consultés, l’agence relevait notamment 15 attributions irrégulières de logements dans son dernier rapport (lire notre article).

Passées ces brouilles politiciennes, il reste le désarroi des locataires. « C’est une grosse déception, regrette Karima*, une locataire interviewée lors de l’annonce. J’ai déjà entamé l’enveloppe du loyer donc ça complique la situation, je vais me retrouver à découvert. » Pour cette résidente, la mairie n’aurait jamais dû communiquer sans être sûre de la faisabilité de la mesure. Et la jeune femme de résumer : « Ça va mettre en difficulté pas mal de familles. »

Héléna BERKAOUI

*Le prénom a été modifié

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