Ce lundi soir, ils sont quatre à s’être déplacés pour débattre en cette campagne pour la mairie de Bobigny. Quatre hommes sur une estrade pour convaincre Balbyniens et Balbyniennes de leur confier les clefs de la ville. Le BB racontait il y a peu les problèmes rencontrés pour réunir les candidats (lire notre article). Au final, nos débatteurs sont les suivants : Habib Babindamana – un marcheur sans investiture En Marche – Youssef Zaoui – ancien adjoint au maire UDI désormais à la tête de la liste En avant Bobigny – Rodolphe Feger – tête de liste Lutte Ouvrière – Christian Bartholmé – 1er adjoint au maire UDI, Stéphane De Paoli, et candidat à sa succession.

#BobignyleDébat

Publiée par Bondy Blog sur Lundi 24 février 2020

Dans une campagne pour le moins électrique, ce moment de démocratie s’est déroulé dans le calme et le respect devant une assistance partisane (chaque candidat ayant convié ses soutiens) mais respectueuse. Au coeur des débats : sécurité, propreté, transformation de la ville à l’heure du Grand Paris, éthique et transparence. Si quelques piques inoffensives et des moments assez drôles ont parsemé le débat, les candidats présents ne se sont pas emparés des affaires visant la mairie pour prendre le dessus. « Je ne présente pas contre la mairie mais pour proposer un projet et un programme aux Balbyniens », a ainsi dit Youssef Zaoui, lui qui avait pourtant mis en scène son départ de la majorité lors d’un conseil municipal.

Interrogé par le BB sur la sortie du livre-enquête Le Maire et les barbares, Christian Bartholmé a tenté de répondre point par point aux accusations qui y sont formulées : « Quand on dit des absurdités comme ‘La ville a subventionné tel club de sport qui fait la séparation entre les hommes et les femmes’, c’est faux ! » Petit point fact checking : la journaliste Eve Szeftel ne dit pas que la mairie a financé le club de sport non-mixte. En réalité, elle explique que la mairie a financé indirectement l’ouverture de la salle de sport en prenant à sa charge une dette de 128 000 euros et en indemnisant « au quintuple » le propriétaire, « joli culbute pour un local acheté 58 000 euros en 2006 », conclut-elle dans son livre.

Sur le fond, le thème majeur qu’est la sécurité a plutôt fait consensus. La mairie UDI a instauré durant son mandat une police municipale armée et la vidéo-surveillance. Une politique que Christian Bartholmé entend poursuivre s’il sort gagnant du scrutin. Seul Rodolphe Feger, fidèle à la ligne de Lutte Ouvrière, objecte que la première des insécurités est économique. A l’inverse, Habib Babindamana a appelé à aller « plus loin que la municipalité actuelle », prônant « la tolérance zéro. » De son côté, Youssef Zaoui, ancien adjoint à la sécurité, ne « (veut) pas que Bobigny devienne Nice » et rejette la proposition de Bartholmé consistant à créer un groupement d’intérêt public pour faire de la prévention – « ça équivaut à privatiser la police ».

Les problématiques du Grand Paris au devant des plans pour l’urbanisme

A l’heure du Grand Paris, l’urbanisme et l’environnement ne sont pas non plus des petits sujets. Youssef Zaoui a plaidé pour le verdissement de Bobigny. « On arrête la bétonnisation ! Le centre-ville de Bobigny est trop dense : 8 000 habitants au kilomètre carré ! Plus que Singapour et même Gaza ! » L’affirmation de M. Zaoui a donné lieu à un petit fact-checking – qui lui a donné raison – et quelques rires.

Au-delà des plaisanteries, le plan de rénovation du centre-ville constitue effectivement une réelle préoccupation. Bobigny est une des rares villes où des tours HLM ont été construites au cœur de la ville, un plan d’urbanisme novateur à l’époque mais qui a mal vieilli et créé une forte attente de renouveau (lire notre article). Sur l’environnement cette fois, Habib Babindamana propose lui de « mettre en place un plan vert et réunir les acteurs de la ville » pour plancher sur le sujet, tandis que Christian Bartholmé souhaite initier les enfants de la ville à la question via des séjours thématiques sur l’eau, l’air et l’univers.

Un brin décalé, le candidat de Lutte ouvrière a, lui, évoqué le départ de Nicolas Hulot et la faible mobilisation du gouvernement en matière de transition écologique. Une critique fort légitime mais qui reste assez éloignée des préoccupations quotidiennes des Balbyniens. « On n’a pas de baguette magique, on ne va pas régler tous les problèmes », a-t-il poursuivi en mettant en cause les moyens insuffisants que l’Etat accorde au département. Là encore, la critique est fondée (et même documentée par un rapport parlementaire) mais en l’absence de grand soir, son diagnostic peut sembler un peu hors-sol.

La transparence, un idéal municipal voulu par tous

Dans une ville où les conseils municipaux ont été émaillés d’affaires et de polémiques pendant six ans, les questions de transparence et d’éthique ont été au cœur du débat. Tous les candidats ont dit l’importance qu’ils accordaient à la question. Et le représentant de la majorité en place n’aura à essuyer aucun coup de la part de ses concurrents. Les candidats se retrouvent sur le rôle de la participation des citoyens, qu’ils entendent chacun augmenter à l’aide de différents procédés.

Habib Babindamana propose de mettre en place une application pour faire des propositions directement à la mairie, Christian Bartholmé opte plutôt pour une démocratie représentative dès le plus jeune âge avec différentes instances consultatives. Pour la liste Lutte Ouvrière, la principale proposition est de mettre les moyens municipaux à disposition des citoyens qui le demandent et des ouvriers en lutte.

Youssef Zaoui, quant à lui, prône la transparence et la création d’un lien de confiance avec les habitants : « On ne va pas révolutionner Bobigny mais quand un lien de sincérité s’installe entre les élus et la population, on avance plus vite. » Celui qui avait quitté l’ancienne équipe municipale en 2018 pour – selon lui – des raisons de manque de clarté, n’entend pas répéter les erreurs municipales du passé. Pour impliquer les Balbyniens à la vie de cité, Youssef Zaoui dégaine une proposition qui a le vent en poupe : le budget participatif. L’idée est de réserver 5% du budget d’investissement (environ 2 millions d’euros) à des projets voulus et avancés par les Balbyniens.

Christian Bartholmé fait la moue et prévient : « On va encore me traiter de rabat-joie. » Mais, pour le premier adjoint au maire, « c’est 100% du budget d’investissement qui doit aller aux Balbyniens ! Je ne vois pas comment on peut mettre en place ce budget participatif. » Et Youssef Zaoui de lui citer, en réponse, les exemples des 80 villes qui appliquaient ce dispositif en 2018, parmi lesquelles Paris, Rennes ou Metz.

De rares accrocs ont émaillé un débat plutôt feutré et centré sur les propositions. Habib Babindamana et Christian Bartholmé se sont par exemple envoyé quelques piques, à l’image de ce dernier qui a raillé la faculté du premier à le « copier » : « Il se dit d’extrême-centre, c’est ce que j’écris sur ma page Facebook depuis douze ans, il a repris mes propositions, mon projet… Même mon costume, il l’a copié ! Je ne dis pas que les rapprochements se font par mimétisme mais j’en suis presque flatté. »

Malgré quelques saillies de ce type, le débat a été digne et a permis aux quatre candidats de présenter sa vision de la ville, dans le respect de chacun et dans l’équité des temps de parole. Quel dommage que les candidats de gauche, le socialiste Fouad Ben Ahmed, le communiste Abdel Sadi et l’insoumis Sylvain Léger, aient refusé d’y participer…

Héléna BERKAOUI et Paloma VALLECILLO

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